Concernant l’exigibilité des loyers pendant les périodes de fermetures administratives dites COVID-19 pour un local commercial loué à destination de supermarché à dominante non alimentaire, la Cour de Cassation considère que les loyers sont exigibles et rejettent les thèses juridiques fondées sur la perte de la chose louée, l’obligation de délivrance, la force majeur et la bonne foi.
Se prévalant de l’interdiction de recevoir du public, en raison des mesures gouvernementales de lutte contre l’épidémie de covid-19, la locataire, titulaire d’un bail commercial, a informé la bailleresse de la suspension du paiement des loyers et charges.
Le 2 juin 2020, la bailleresse a procédé sur les comptes de la locataire à la saisie-attribution d’une somme correspondant à l’intégralité de la facture de loyer du deuxième trimestre 2020.
Le 3 juillet 2020, la locataire a assigné la bailleresse devant le juge de l’exécution en mainlevée de la saisie et paiement de dommages-intérêts.
C’est en vain que la locataire fait grief à l’arrêt de valider la saisie-attribution à hauteur d’une certaine somme.
En effet, en application de l’article 4 de la loi n° 2020-290 du 23 mars 2020 d’urgence pour faire face à l’épidémie de covid-19, l’état d’urgence sanitaire a été déclaré sur l’ensemble du territoire national.
En application de l’article 3, I, 2°, du décret n° 2020-293 du 23 mars 2020 prescrivant les mesures générales nécessaires pour faire face à l’épidémie de covid-19 et du décret n° 2020-423 du 14 avril 2020 le complétant, jusqu’au 11 mai 2020, tout déplacement de personne hors de son domicile a été interdit à l’exception des déplacements pour effectuer des achats de fournitures nécessaires à l’activité professionnelle et des achats de première nécessité.
Edictée pour limiter la propagation du virus par une restriction des rapports interpersonnels, l’interdiction de recevoir du public, sur la période du 17 mars au 10 mai 2020, prévue par les arrêtés des 14 et 16 mars 2020 du ministre des solidarités et de la santé, ainsi que par les décrets précités, résulte du caractère non indispensable à la vie de la Nation et à l’absence de première nécessité des biens ou des services fournis.
Par suite, cette interdiction a été décidée, selon les catégories d’établissement recevant du public, aux seules fins de garantir la santé publique.
En conséquence:
- L’effet de cette mesure générale et temporaire, sans lien direct avec la destination contractuelle du local loué, ne peut donc être assimilé à la perte de la chose, au sens de l’article 1722 du Code civil.
- les locaux loués ayant été mis à disposition de la locataire, qui admettait que l’impossibilité d’exploiter, qu’elle alléguait, était le seul fait du législateur, la cour d’appel en a exactement déduit que la mesure générale de police administrative portant interdiction de recevoir du public n’était pas constitutive d’une inexécution de l’obligation de délivrance.
- la locataire, débitrice des loyers, n’est pas fondée à invoquer à son profit la force majeure puisque même si elle n’a pas pu profiter de la contrepartie à laquelle elle avait droit, elle ne peut pas obtenir la résolution du contrat ou la suspension de son obligation en invoquant la force majeure.
- la bailleresse a tenu compte des circonstances exceptionnelles et ainsi manifesté sa bonne foi puisqu’elle avait vainement proposé de différer le règlement du loyer d’avril 2020.
En d’autres termes, les loyers relatives aux périodes de fermeture COVID-19 sont exigibles et le locataire doit les régler.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 30 Juin 2022 n°21-20.190