Tout copropriétaire peut, à tout moment, faire constater l’absence de conformité aux dispositions de l’article 10, alinéa 1er, de la clause de répartition des charges et faire établir une nouvelle répartition conforme à ces dispositions.
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence relative à l’imprescriptibilité de l’action en déclaration de la clause réputée non écrite fondée sur l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965 visant la violation de la répartition des charges générales de l’article 10, alinéa 2, et des charges de services de l’article 10, alinéa 1er, du même texte.
En l’espèce, un règlement de copropriété établi en 1956 et modifié en 1999 avait créé, dans un immeuble en copropriété, quatre nouveaux lots provenant de la division et de la transformation de parties communes.
Ces lots avaient été cédés à un couple de nouveaux copropriétaires qui avait divisé un de ces lots en deux nouveaux lots constitués de combles.
Ils avaient ainsi transformé leur appartement en un duplex comportant plusieurs pièces supplémentaires.
Un copropriétaire dans l’immeuble avait fait porter à l’ordre du jour de l’assemblée générale une résolution visant à la nomination d’un géomètre expert aux fins d’établir un modificatif au règlement de copropriété, car les calculs des quotes-parts de charges générales et de charges d’escalier et d’ascenseurs devaient être révisés à la suite des modifications des valeurs relatives actuelles et de l’usage des parties privatives des lots nouveaux avec celles des autres lots de l’immeuble.
L’assemblée rejeta la résolution, ce qui poussa le copropriétaire à agir en justice pour faire juger que les clauses du règlement d’origine qu’on prétendait lui imposer étaient réputées non écrites sur la base de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965.
La cour d’appel de Paris (14 mai 2014) avait rejeté ses prétentions au motif, d’une part, que l’estimation de la valeur relative des parties privatives s’opère « lors de l’établissement de la copropriété » et que la clause de répartition des charges générales ne peut pas être déclarée non écrite sur le fondement de l’article 43, et, d’autre part, que la demande de modification de la répartition des charges relève, le cas échéant, des articles 25 f et 42 de la loi du 10 juillet 1965, et non pas de l’article 43 de la même loi. C’était remettre en cause l’imprescriptibilité de l’action en déclaration de clause réputée non écrite, mais aussi les règles de calcul des charges générales et de services.
Or, la cour de cassation a censuré avec fermeté la décision rendue et met en exergue deux points:
- l’imprescriptibilité de l’action en déclaration de clause réputée non écrite;
- les règles de calcul des charges générales et de services
1- L’imprescriptibilité de l’action en déclaration de clause réputée non écrite
L’imprescriptibilité de l’action en déclaration de clause réputée non écrite est réaffirmée par l’arrêt de la Cour de cassation, qui sera publié au Bulletin. Le couple de copropriétaires défendeurs dans l’espèce prétendait qu’il fallait appliquer le délai de prescription de dix ans de l’article 42, alinéa 1er.
La Cour de cassation s’appuie sur des attendus de principe pour casser l’arrêt d’appel en visant, d’une part, « les articles 5, 10, alinéa 2, et 43 de la loi du 10 juillet 1965 » et, d’autre part, les articles 10, alinéa 1er, et 43 de la loi du 10 juillet 1965 ».
La décision est claire : « Tout copropriétaire peut, à tout moment, faire constater l’absence de conformité aux dispositions de l’article 10 », marquant ainsi le rejet de l’application de toute règle de prescription, principe qui avait déjà été consacré par la Cour dans son arrêt du 9 mars 1988, D. 1989. 143, note Atias).
Quelle que soit la date d’établissement du règlement, tout copropriétaire peut donc demander à un juge de déclarer une clause de ce règlement non écrite parce qu’elle n’est pas conforme à une disposition légale.
Elle échappe donc à la nouvelle prescription de droit commun de cinq ans.
Ce principe d’imprescriptibilité de l’action en déclaration de clause réputée non écrite s’appliquera à tous les actes ayant concouru à la détermination des charges, du règlement de copropriété à l’acte modificatif ultérieur ou à la décision d’assemblée générale.
La Cour confirme ainsi, en l’élargissant, sa jurisprudence antérieure (Civ. 3e, 7 mai 2008, n° 07-13.409 ; 28 avr. 2011, n° 10-20.514).
2- Les règles de calcul des charges générales et de services
Les principes relatifs au calcul des charges générales et de services sont aussi confirmés par la Cour de cassation.
En visant les articles 5 et 10 de la loi du 10 juillet 1965, l’arrêt de cassation ici commenté se fonde sur le caractère d’ordre public de l’article 10 pour imposer sa solution.
L’article 10 (al. 1er et 2) est d’ordre public et le renvoi à l’article 5 rend d’ordre public les calculs des quotes-parts de parties communes en proportion de la valeur relative de chaque partie privative.
La Cour de cassation casse l’arrêt de la cour de Paris qui avait consacré l’idée que la valeur relative des parties privatives était fixée de façon intangible au moment de l’établissement de la copropriété.
Or il faut distinguer entre la règle de fixation des quotes-parts de propriété des parties communes, qui est intangible, car fondée sur l’article 1134 du code civil (Civ. 3e, 11 déc. 2013, n° 12-27.210), et donc facultative car l’article 5 n’est pas d’ordre public, et la règle, résultant du renvoi de l’article 10, alinéa 2, à l’article 5, qui rend d’ordre public, et donc impératif, le calcul des quotes-parts pour la seule répartition des charges (Civ. 3e, 14 oct. 2014, 13-19.837).
On apprécie dès lors l’attendu final de cet arrêt commenté qui admet, « à tout moment », la recevabilité de l’action en constatation d’une clause réputée non écrite lorsque « la transformation de l’appartement (des défendeurs) a eu des répercussions sur la consistance, la superficie et la situation de leurs lots en augmentant la valeur relative de ceux-ci par rapport à celle de l’ensemble des parties privatives de l’immeuble ».
Le principe de calcul des charges de services est, quant à lui, affecté par le principe qui régit l’alinéa 1er de l’article 10 également d’ordre public.
La clause qui fixait ces charges dans le règlement ne respectait plus le critère d’utilité d’origine car les lots n’étaient plus identiques à ceux prévus dans ce texte.
Le juge qui répute non écrite une répartition des charges doit, en vertu de l’article 43, alinéa 2, de la loi du 10 juillet 1965, en établir une autre, en conformité avec les critères légaux.
Cour de cassation, 3ème Chambre civile, 28 janvier 2016 n°14-26921