Une juridiction ne peut pas prononcer la nullité d’une décision d’assemblée générale ayant refusé la modification de la destination du lot sans avoir démontré en quoi ladite décision était contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou avait été prise dans le seul but de favoriser l’intérêt personnel des copropriétaires majoritaires.
La question de la modification de l’affectation de la partie privative d’un lot de copropriété est particulièrement délicate puisqu’elle oppose le plus souvent les aspirations légitimes d’un copropriétaire à faire évoluer l’utilisation de son lot et la volonté, tout aussi fondée, du syndicat de se prémunir de toute nuisance en s’opposant à ce changement.
La solution résulte donc de l’équilibre entre ces prétentions, ce qui se traduit généralement par la reconnaissance d’un droit à la modification sous réserve de ne porter atteinte ni à la destination de l’immeuble ni aux droits des autres copropriétaires (L. n° 65-557, art. 9).
L’intérêt de la présente décision ne réside pas dans la reprise de ces critères, mais dans la façon dont elle les ordonne.
En l’espèce, un couple avait acquis un local à usage professionnel compris dans un immeuble pour lequel le règlement prévoyait qu’il était « principalement à usage commercial et de bureaux ».
Le règlement précisait « qu’aucune modification pouvant compromettre la destination de l’immeuble ne pourra être faite sans le consentement des propriétaires », la modification de la destination devant être soumise à l’approbation de la majorité de l’article 26.
Confortés par la présence de l’adverbe « principalement » dans le règlement, les acquéreurs demandèrent l’autorisation de changer la destination de leur lot en local à usage d’habitation, ce qui leur fut refusé.
La cour d’appel prononce la nullité de cette décision en relevant qu’un tel changement, d’une part, ne porte pas atteinte à la destination de l’immeuble, d’autre part, n’est pas prohibé par le règlement et, enfin, ne heurte pas les droits des autres copropriétaires. Le refus de l’assemblée générale est donc jugé abusif.
On retrouve ici les éléments d’appréciation précédemment rappelés et qui pour les juges du fond ont en l’espèce consisté à ériger en principe le droit au changement pour le propriétaire du lot et à faire de l’opposition par le syndicat l’exception. Dans cette perspective, c’est à ce dernier qu’incombe la charge de la preuve d’une atteinte aux droits de ses membres.
Reprenant les mêmes critères, la troisième chambre civile aboutit à la solution opposée en renversant totalement le principe.
Au visa de l’article 1382 du code civil, elle casse l’arrêt attaqué en affirmant « qu’en statuant ainsi, sans relever en quoi la décision de l’assemblée générale était contraire aux intérêts collectifs des copropriétaires ou avait été prise dans le seul but de favoriser les intérêts personnels des copropriétaires majoritaires au détriment des copropriétaires minoritaires, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision ».
En d’autres termes, le syndicat pouvait légitimement s’opposer à la demande qui lui a été faite sans avoir à justifier son refus.
Dans cette hypothèse, il ne lui est pas nécessaire d’arguer d’un quelconque grief. Ce faisant, la Cour de cassation impose au copropriétaire de démontrer que le refus de l’assemblée générale poursuit une visée illégitime constituée par l’abus de majorité.
Elle semble donc renverser la règle de la charge de la preuve qu’elle avait rappelée dans son arrêt de 2012 (Civ. 3e, 19 déc. 2012, n° 11-21.631).
Mais, contrairement à cette dernière situation, dans la présente espèce une clause particulière du règlement imposait l’autorisation du syndicat pour pouvoir procéder au changement souhaité ce qui offre la possibilité de faire cohabiter les deux décisions (mais, si tel est bien la volonté de la Cour de cassation, on ne peut que regretter l’absence de toute référence à cette stipulation dans le dispositif de la décision). Le présent arrêt constitue assurément l’illustration de la « recrudescence du contentieux concernant les abus commis au sein des assemblées ».
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 17 décembre 2014 n° 13-25134