Une clause de répartition des charges ne répondant plus aux exigences de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 à la suite de la transformation de parties communes en parties privatives doit être déclarée non écrite.
Dans un immeuble en copropriété, quatre nouveaux lots provenant de la transformation de parties communes ont été créés. Ils sont achetés par un copropriétaire pour agrandir son appartement.
La demande d’un autre copropriétaire tendant à voir désigner un géomètre-expert afin d’établir un modificatif du règlement de copropriété est rejetée par l’assemblée générale.
Celui-ci assigne le syndicat des copropriétaires afin de voir, sur le fondement de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965, déclarer non écrite la clause de répartition des charges prévue dans le règlement de copropriété comme ne répondant plus aux exigences de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965.
La cour d’appel de Paris rejette la demande au motif que l’estimation de la valeur relative des parties privatives s’opère « lors de l’établissement de la copropriété » et que la clause de répartition des charges générales ne peut pas être déclarée non écrite sur le fondement de l’article 43 de la loi du 10 juillet 1965.
L’arrêt est cassé : dès lors que la cour d’appel a constaté que les transformations opérées avaient eu des répercussions sur la consistance, la superficie et la situation de certains lots en augmentant la valeur relative de ceux-ci par rapport à celle de l’ensemble des parties privatives de l’immeuble, la demande ne pouvait pas être rejetée.
Cette solution qui est nouvelle ne manquera pas de faire couler beaucoup d’encre et créer de nouveaux contentieux sur ce fondement.
Pour rappel, lorsque des travaux ou des actes d’acquisition ou de disposition sont décidés par l’assemblée générale, la modification de la répartition des charges rendue nécessaire par ces modifications peut être décidée par l’assemblée générale à la même majorité (Loi 65-557 du 10-5-1965 art. 11).
A défaut, tout copropriétaire peut saisir le tribunal de grande instance pour faire procéder à la nouvelle répartition sur le fondement de cet article.
Peut-il également agir sur le fondement de l’article 43 de la loi selon lequel toutes clauses contraires, notamment, aux dispositions de l’article 10 de la loi sont réputées non écrites, afin de voir déclarer illicite la clause de répartition des charges du règlement de copropriété (l’article 10 dispose que les copropriétaires sont tenus de participer aux charges relatives à la conservation, à l’entretien et à l’administration des parties communes proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots).
L’action tendant à voir déclarer non écrite une clause de répartition des charges qui s’affranchirait des critères légaux, d’abord réservée par la jurisprudence aux charges dites spéciales, est désormais admise en ce qui concerne les charges de conservation, d’entretien et d’administration des parties communes lorsque la contestation porte sur les principes légaux de répartition des charges (Cass. 3e civ. 12-6-1991 no 89-18.331 : Bull. civ. III no 170 ; Cass. 3e civ. 20-1-1993 no 91-17.509 ; Cass. 3e civ. 17-3-2010 no 09-12.196 ; Cass. 3e civ. 30-4-2002 no 00-17.332 ), étant précisé que la cour d’appel qui déclare une clause de répartition des charges non écrite doit indiquer en quoi les critères de répartition de l’article 10 de la loi du 10 juillet 1965 ne sont pas respectés (Cass. 3e civ. 30-6-1998 no 96-21.879 ; Cass. 3e civ. 9-6-2010 no 09-13.067; Cass. 3e civ. 7-6-2011 no 09-15.863 ).
Le fait qu’une action spécifique soit prévue par l’article 11, alinéa 3 de la loi du 10 juillet 1965 faisait-il obstacle à une demande fondée sur l’article 43 ?
La Cour de cassation répond par la négative : la modification de la consistance, de la superficie et de la situation de lots résultant de la transformation de parties communes en parties privatives et de leur cession à un copropriétaire, qui a une incidence sur la valeur relative de celles-ci par rapport à la valeur de l’ensemble des parties privatives de l’immeuble, rend la répartition initiale des charges non conforme à la situation nouvelle de l’immeuble, et donc non conforme aux critères impératifs de l’article 5 auquel renvoie l’article 10 alinéa 2. Un copropriétaire peut donc demander que cette clause soit déclarée non écrite.
Cour de cassation, 3ème Chambre civile 3, 28 janvier 2016 n°14-26921