L’action en fixation du loyer du bail commercial qui fait suite à un bail dérogatoire est soumise à la prescription biennale. Celle-ci court à compter de la date à laquelle l’une des parties a revendiqué le statut.
La Cour de cassation affirme dans sa décision, d’une part, que l’action en fixation du loyer du bail commercial qui fait suite à un bail dérogatoire de l’article L. 145-5 du code de commerce est soumise à la prescription biennale de l’article L. 145-60 du même code et, d’autre part, que le point de départ de la prescription de cette action court à compter de la date à laquelle l’une ou l’autre des parties (en l’occurrence, le preneur) a revendiqué l’application des règles statutaires.
Dans cette affaire, plus de quatre ans après la signature d’un premier bail dérogatoire (en 2006), le locataire avait revendiqué (en 2010) l’application du statut des baux commerciaux alors qu’il était maintenu en possession en vertu d’un troisième bail de courte durée.
Cette revendication était incontestablement légitime, puisque, aux termes du deuxième alinéa de l’article L. 145-5 du code de commerce si, à l’expiration de la durée maximale autorisée, « le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail dont l’effet est réglé par les dispositions [statutaires] » (pour des illustrations, V. Civ. 3e, 22 janv. 2003, n° 01-16490, Bull. civ. III, n° 12 ; Civ. 3e, 13 juin 2012, n° 11-16356).
Loin de contester que, désormais, les relations contractuelles avec le preneur relèvent des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce, le bailleur a assigné son cocontractant en vue de voir fixer le prix du bail à la valeur locative. (Civ. 3e, 14 déc. 2005, n° 05-12587).
Après avoir échoué en appel (Paris, 1er avr. 2015), la cour ayant déclaré son action prescrite, devant le juge du droit, le bailleur a contesté, à titre principal, l’application de la prescription biennale et, subsidiairement, le point de départ de la prescription de l’action.
La Cour de cassation rejette son premier point, mais le bailleur obtient toutefois gain de cause au regard du moyen soulevé d’office par le juge de cassation, lequel censure le juge parisien au visa de l’article L. 145-60 du code de commerce, ensemble l’article 2224 du code civil.
Tirant du second de ces textes (relatif à la prescription quinquennale des actions personnelles ou mobilières) le principe selon lequel le délai de prescription court du jour où le titulaire d’un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l’exercer, la Cour de cassation décide en effet que le délai de prescription de l’action en fixation du loyer d’un bail commercial né par application de l’article L. 145-5 du code de commerce court, non pas de la date à laquelle naît le bail commercial, mais de la date à laquelle la demande d’application du statut est formée par l’une ou l’autre des parties, le montant du loyer étant fixé à la valeur locative à compter du jour de cette demande.
Ainsi, le point de départ de la prescription de l’action du bailleur se situait, non pas au jour de la naissance du bail commercial (en 2008, deux ans et un jour après la conclusion du premier bail dérogatoire), mais à compter de la date à laquelle le preneur a revendiqué l’application du statut (en 2010).
Partant, l’action introduite par le bailleur (en 2011) en vue d’obtenir la fixation du loyer du nouveau bail n’était pas prescrite.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 7 juillet 2016 n°15-19485