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Publié le 26 Nov 2016

Le retour aux origines ou l’histoire du loyer binaire

Dans deux arrêts rendus le même jour, la Cour de Cassation a tranché la question de la fixation du loyer du bail renouvelé dans le cadre du loyer binaire: la stipulation selon laquelle le loyer d’un bail commercial est composé d’un loyer minimum et d’un loyer calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.

Enfin, la Cour de cassation réintègre dans le cadre du statut des baux commerciaux la détermination, lors du renouvellement du contrat, de la partie fixe d’un loyer binaire.

Classique dans les centres commerciaux, le loyer binaire (également appelé « loyer clause-recettes ») se caractérise par l’existence d’un loyer minimum garanti, complété par un loyer variable additionnel calculé sur la base du chiffre d’affaires du preneur.

Or, au motif que le statut des baux commerciaux envisage un prix unique et non pas un loyer composite, la jurisprudence considère que ce mode de fixation échappe aux règles statutaires, renvoyant les parties aux termes de leur convention ( Civ. 3e, 15 mai 1991, n° 89-20.847, D. 1991. 364 , obs. L. Rozès ; concernant le loyer de renouvellement, l’arrêt Théâtre Saint-Georges et sa nombreuse descendance, Civ. 3e, 10 mars 1993, n° 91-13.418; 15 mars 2000, n° 98-16.771 ; 18 juin 2002, n° 01-02.943; 7 mai 2002, n° 00-18.153; 29 avr. 2002, n° 01-01809).

Certaines juridictions ont tenté de contrecarrer cette jurisprudence, les cours d’appel de Limoges et d’Aix-en-Provence ont persisté à considérer qu’il existe une incompatibilité entre le loyer binaire et l’application des règles de l’article L. 145-33 du code de commerce même en présence dans les baux une stipulation en vertu de laquelle le loyer minimum garanti sera, en renouvellement, fixé à la valeur locative, (Limoges, 4 sept. 2014, n° 13/00095; Aix-en-Provence, 19 févr. 2015, n° 13/11349).

À l’occasion d’un pourvoi dirigé contre deux arrêts de la Cour d’appel d’Aix-en-Provence, la haute juridiction clarifie la situation en précisant qu’une telle stipulation n’interdit pas, lorsque le contrat le prévoit, de recourir au juge des loyers commerciaux pour fixer, lors du renouvellement, le minimum garanti à la valeur locative.

Le juge du droit ajoute que le juge du fond statue alors selon les critères de l’article L. 145-33, notamment au regard de l’obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l’abattement qui en découle.

Cette analyse mérite approbation, dans la mesure où, en effet, parmi les critères permettant de déterminer la valeur locative, le 3° de l’article L. 145-33 envisage les « obligations respectives des parties », notion développée à l’article R. 145-8 du même code.

Or, ni l’esprit ni la lettre de ces textes ne semblent exclure de leur champ d’application le jeu du loyer binaire.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 3 novembre 2016 n°15-16826

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 3 novembre 2016 n°15-16827

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