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Publié le 11 Déc 2016

Exercice du droit de repentir du bailleur et remboursement de tous les frais exposés par le preneur

Le bailleur qui entend se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction en consentant au renouvellement du bail doit rembourser au locataire la totalité des frais taxables et non taxables que celui-ci a exposés jusqu’au terme de l’instance pendant laquelle le repentir est exercé.

En l’espèce, après avoir notifié congé à effet du 31 décembre 2006, un bailleur avait exercé son droit de repentir le 13 mars 2012, pour éviter de payer l’indemnité d’éviction fixée par un jugement en date du 19 janvier 2012, dont le preneur avait entre-temps interjeté appel.

Bien que le repentir mette fin à l’instance en fixation de l’indemnité d’éviction, désormais dépourvue d’objet, la cour d’appel restait saisie, par l’effet dévolutif de l’appel, de la fixation tant de l’indemnité d’occupation due pour la période comprise entre la date d’effet du congé (31 déc. 2006) et la date du repentir (13 mars 2012) que des frais de l’instance.

Le preneur entendait en effet obtenir, outre l’indemnité qui lui avait été allouée en première instance sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, le remboursement de l’ensemble des frais exposés au titre de la procédure au fond, poursuivie en appel jusqu’à l’exercice du repentir.

La cour d’appel n’avait condamné le bailleur qu’aux dépens d’appel, considérant qu’il n’y avait pas lieu à application de l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel, la somme allouée en première instance au locataire lui restant acquise.

L’arrêt est cassé pour violation de l’article L. 145-58 du code de commerce.

Le repentir permet au bailleur de changer sa stratégie initiale (l’éviction du locataire) et de se soustraire au paiement de l’indemnité d’éviction en offrant le renouvellement du bail, « à charge par lui de supporter les frais de l’instance ».

La notion de « frais de l’instance » n’est pas définie par l’article L. 145-58.

Il est constant qu’il ne s’agit pas d’une condamnation à dommages et intérêts, aucune faute ne résultant de l’exercice de cette faculté légale (Civ. 3e, 29 nov. 2005, n° 04-16147).

La notion de « réparation » n’est toutefois pas totalement exclue ; en effet, la loi désigne le bailleur qui a changé d’avis comme étant nécessairement le débiteur des frais que le preneur a dû exposer pour faire fixer l’indemnité d’éviction que la décision unilatérale du bailleur rend désormais inutile.

Le juge est ainsi privé du pouvoir dont il dispose généralement pour déterminer le débiteur des frais de la procédure.

Le bailleur devra toujours rembourser au preneur les dépenses que ce dernier a engagées par suite du refus de renouvellement, devenues sans objet puisque le renouvellement lui est finalement offert.

Les frais concernés sont seulement ceux engagés au cours de l’instance qui avait pour objet la fixation de l’indemnité d’éviction, à l’exclusion de ceux exposés dans le cadre de la nouvelle procédure consécutive à l’exercice du repentir, qui tend à faire fixer le loyer du bail renouvelé.

La Cour de cassation le précise en visant les frais exposés « jusqu’au terme de l’instance pendant laquelle le repentir est exercé ».

‘instance s’étant poursuivie en cause d’appel, les frais y afférents relèvent de l’article L. 145-58 du code de commerce. La solution est identique en cas d’exercice du droit d’option prévu par l’article L. 145-57 du même code, le texte mettant à la charge de celle des parties « qui a manifesté son désaccord de supporter tous les frais » (Civ. 3e, 16 sept. 2009, n° 08-15741).

Depuis un arrêt du 27 mars 2002 (Civ. 3e, 27 mars 2002, n° 00-22534), il est acquis qu’il ne s’agit pas seulement des frais de procédure taxables au sens de l’article 695 du code de procédure civile, mais de toutes les dépenses exposées par le preneur, telles que notamment:

  • les honoraires de l’avocat,
  • de l’expert amiable missionné pour estimer l’indemnité d’éviction afin de l’aider à discuter le montant offert par le bailleur,
  • ou la rémunération de l’agent immobilier chargé de rechercher de nouveaux locaux pour lui permettre de se réinstaller.

La Cour de cassation le rappelle en visant « la totalité des frais taxables et non taxables ».

La solution est constante (Cour d’appel d’Aix-en-Provence, 1re ch. A, 10 mai 2016, n° 15/04604).

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 avril 2016 n°14-29963

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