L’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution ne s’oppose pas au prononcé par le juge, même pendant la période dite de » trêve hivernale » mentionnée à cet article, d’une décision d’expulsion voire même de demander le concours de la force publique.
En l’espèce, le centre régional des oeuvres universitaires et scolaires (CROUS) de Lyon a demandé au juge des référés du tribunal administratif de Lyon d’ordonner, sur le fondement de l’article L. 521-3 du Code de justice administrative, l’expulsion de M. B. A. du logement qu’il occupe dans la résidence des Quais à Lyon. Par une ordonnance n° 1608390 du 8 décembre 2016, le juge des référés a fait droit à la demande.
M. B. A. s’est pourvu devant le Conseil d’Etat.
Aux termes de l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution :
« Nonobstant toute décision d’expulsion passée en force de chose jugée et malgré l’expiration des délais accordés en vertu de l’article L. 412-3, il est sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre de chaque année jusqu’au 31 mars de l’année suivante, à moins que le relogement des intéressés soit assuré dans des conditions suffisantes respectant l’unité et les besoins de la famille […] ».
Aux termes de l’article L. 412-7 du même code :
« Les dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-6 ne sont pas applicables aux occupants de locaux spécialement destinés aux logements d’étudiants lorsque les intéressés cessent de satisfaire aux conditions en raison desquelles le logement a été mis à leur disposition […] ».
M. A. soutient qu’en jugeant que « le principe de la trêve hivernale des expulsions ne trouve pas à s’appliquer aux étudiants », le juge des référés a commis une erreur de droit.
Cependant, les dispositions de l’article L. 412-6 du Code des procédures civiles d’exécution prévoient seulement un sursis aux mesures d’expulsion non exécutées à la date du 1er novembre de chaque année, si le relogement de l’intéressé n’est pas assuré. Elles ne s’opposent pas au prononcé par le juge, même pendant la période dite de « trêve hivernale » mentionnée à cet article, d’une décision d’expulsion.
Il en résulte que le principe de la « trêve hivernale » ne pouvait, en tout état de cause, trouver application dans le cadre de l’examen par le juge des référés de la demande dont il était saisi, laquelle concernait le prononcé d’une mesure d’expulsion.
Dès lors, M. A. ne pouvait utilement invoquer ce principe pour contester la mesure demandée au juge des référés par le CROUS de Lyon.
Ce motif, qui est d’ordre public et n’appelle l’appréciation d’aucune circonstance de fait, doit être substitué à celui retenu par le juge des référés, dont il justifie légalement le dispositif sur ce point.
Au vu de ce qui précède, il peut être souligné que le sursis à toute mesure d’expulsion non exécutée à la date du 1er novembre signifie qu’il est impossible pendant cette période de pratiquer effectivement une expulsion avec l’intervention d’un huissier de justice et, éventuellement, des forces de l’ordre.
Autrement dit, il n’est pas possible de mettre les gens à la rue pendant l’hiver.
En revanche, les propriétaires peuvent très bien pendant cette période – et ont tout intérêt s’ils veulent gagner du temps – à ne pas rester inactifs et à entamer les démarches de la procédure d’expulsion.
Une fois la décision d’expulsion obtenue, ils n’auront plus qu’à attendre la fin de la trêve hivernale pour la faire exécuter.
Ce gain de temps qui ne méconnaît pas la finalité de l’article L.412-6 justifie également que le concours de la force publique pour l’exécution d’une décision prononçant l’expulsion puisse être sollicité pendant la période hivernale, le sursis saisonnier retardant simplement la mise en oeuvre de la décision du préfet (CE, 27 avr. 2007, n° 291410).
On peut alors comprendre que dans cette affaire le Conseil d’État ait rejeté le pourvoi d’un étudiant du Crous qui contestait la décision d’expulsion prononcée à son encontre en décembre 2016, d’autant qu’ en application de l’article L. 412-7 du Code des procédures civiles d’exécution, le sursis à expulsion ne s’applique pas « aux occupants de locaux spécialement destinés aux logements d’étudiants lorsque les intéressés cessent de satisfaire aux conditions en raison desquelles le logement a été mis à leur disposition ».
Conseil d’Etat, 8ème – 3ème chambres réunies, 22 septembre 2017 n° 407031