Pour la première fois à notre connaissance, en raison de l’existence d’un loyer binaire, une juridiction a appliqué un abattement de 5% sur la valeur locative pour déterminer le montant du loyer du bail renouvelé.
Pour mémoire, deux arrêts de la Cour de Cassation, 3ème chambre civile, en date du 3 novembre 2016 (n° 15-16826 et n° 15-16827), ont précisé, en présence d’un loyer binaire que :
« que le juge statue alors selon les critères de l’article L145-33 précité, notamment au regard de l’obligation contractuelle du preneur de verser, en sus du minimum garanti, une part variable, en appréciant l’abattement qui en découle ».
En l’espèce, le Juge des Loyers estime « qu’il convient d’appliquer un abattement du chef de l’obligation contractuelle de payer un loyer variable additionnel, y compris si celui-ci n’est jamais payé, faute pour le preneur de réaliser un chiffre d’affaires suffisant.
Le fait qu’aucun surloyer n’ait été appelé peut certes être pris en compte pour déterminer le quantum, mais pas pour l’écarter purement et simplement. »
Un abattement de 5% sur le loyer minimum garanti a ici été retenu, du fait que le loyer comporte une partie proportionnelle au chiffre d’affaires du preneur égale à 7,5% du CA HT.
Par ailleurs, le Tribunal a pris position sur plusieurs autres points
– l’absence de prise en compte de la valeur décapitalisée. En effet, le Tribunal a considéré « qu’il n’est pas établi, en l’espèce, que le droit d’entrée acquitté soit un complément de loyer » et que ce droit d’entrée concerne des emplacements de haute commercialité pour lesquels la valeur de ce droit d’entrée ou droit au bail peut inclure d’autres éléments de valorisation qui ne sont pas strictement liés à l’économie de loyer, et peuvent revêtir une valeur d’opportunité ou de stratégie de développement ; qu’en outre, le droit d’entrée peut être récupéré en cas de cession, ce qui n’est pas le cas des loyers.
– la déduction de l’impôt foncier. En effet, l »article R145-8 du code de commerce dispose notamment que les restrictions à la jouissance des lieux et les obligations incombant normalement au bailleur dont celui-ci se serait déchargé sur le locataire sans contrepartie constituent un facteur de diminution de la valeur locative. Il en est de même des obligations imposées au locataire au-delà de celles qui découlent de la loi ou des usages. Les améliorations apportées aux lieux loués au cours du bail à renouveler ne sont prises en considération que si, directement ou indirectement, notamment par l’acceptation d’un loyer réduit, le bailleur en a assumé la charge.
Tribunal de Grande Instance de CRÉTEIL, 3ème Chambre Civile, 27 Juin 2018 RG n° 15/00009.