Le juge de l’exécution, après avoir annulé une mesure d’expulsion basée sur un protocole d’accord homologué par le juge, ne peut rejeter la demande de réintégration pour un motif tiré de l’absence de droit d’occupation de la personne expulsée.
Pour mémoire, le juge de l’exécution connaît, de manière exclusive, des difficultés relatives aux titres exécutoires et des contestations qui s’élèvent à l’occasion de l’exécution forcée, même si elles portent sur le fond du droit à moins qu’elles n’échappent à la compétence des juridictions de l’ordre judiciaire.
Or, selon l’arrêt attaqué, que Mme D… et M. E… ont fait délivrer à Mme G…, sur le fondement d’un protocole d’accord transactionnel homologué par un président d’un tribunal paritaire des baux ruraux, une sommation de déguerpir de parcelles de terrain agricole sur lesquelles portait ce protocole, puis ont fait établir un procès-verbal de reprise des lieux.
Mme G… les a assignés devant un juge de l’exécution en nullité de la sommation et du procès-verbal et en restitution de la jouissance des parcelles, en soutenant qu’ils ne disposaient pas d’un titre permettant son expulsion.
En effet, l’article L. 411-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que :
« Sauf disposition spéciale, l’expulsion d’un immeuble ou d’un lieu habité ne peut être poursuivie qu’en vertu d’une décision de justice ou d’un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d’un commandement d’avoir à libérer les locaux. »
En effet, une ordonnance de référé homologuant une transaction, quand bien même celle-ci comporterait une clause aux termes de laquelle le preneur reconnaît qu’en cas de non respect des obligations du locataire, la clause résolutoire du bail produira son plein et entier effet et il pourra être procédé, si besoin est avec le concours de la force publique, à l’expulsion du preneur et de tous occupants de son chef hors du local, ne peut constituer aucun des deux titres exécutoires limitativement énumérés par cet article.
En d’autres termes, un protocole homologué n’est ni une décision de justice, ni un procès-verbal de conciliation (en ce sens Cour d’appel de Paris, Pôle 4, Chambre 8, 21 décembre 2017 n°17/02744 et n°17/11004). Ainsi, c’est à juste titre que le juge de l’exécution a annulé les actes d’expulsion.
Cependant, pour rejeter la demande de restitution de la jouissance des parcelles après avoir annulé l’expulsion, l’arrêt retient que Mme G… ne justifie pas d’un titre d’occupation toujours valable lui permettant de réintégrer les lieux dont elle a été illégalement expulsée.
La Cour de Cassation censure cette décision en considérant qu’en statuant ainsi, alors que le juge de l’exécution, après avoir annulé la mesure d’expulsion, ne peut rejeter la demande de réintégration pour un motif tiré de l’absence de droit d’occupation de la personne expulsée, la cour d’appel a violé le texte susvisé.
En d’autres termes, en cas de demande de réintégration de la part du locataire, le juge doit la prononcer s’il le peut.
En effet, récemment, la Cour d’appel d’Aix en Provence, en matière de bail d’habitation, a considéré que même si le locataire a été irrégulièrement expulsé lors de la trêve hivernale, le juge des référés n’a pas le pouvoir d’ordonner sa réintégration dans le logement occupé par d’autres personnes en vertu d’un bail. Si ce bail n’est effectivement pas opposable à la locataire expulsée, il n’en demeure pas moins que le bailleur ne peut plus librement disposer de ce logement à l’égard des nouveaux locataires pour l’y réintégrer. (Cour d’appel, Aix-en-Provence, 1re et 2e chambres réunies, 9 Mai 2019 – n° 18/12829)
Cour de cassation, civile, Chambre civile 2, 16 mai 2019, 18-16.934