Même en raison des fautes commises par un agent immobilier, celui-ci ne peut pas à la fois voire le montant de sa commission réduit et subir une condamnation à payer des dommages-intérêts à l’acquéreur. Cela reviendrait à indemniser deux fois le même préjudice, ce qui est contraire à l’article 1382 du Code civil (devenu l’article 1240).
Cette décision est rendue après que l’affaire ait été tranché une première fois par la Cour de Cassation (1re Civ., 14 janvier 2016, pourvoi n° 14-26.474, Bull. 2016, I, n° 10) et qu’une cour d’appel ait à nouveau statué.
En l’espèce, en vertu d’un mandat de vente exclusif, la société Etude Lodel (l’agent immobilier) a négocié et rédigé, moyennant une commission de 30 000 euros à la charge de l’acquéreur, un « compromis de vente ferme » en exécution duquel M. et Mm C… (les acquéreurs) ont acquis, sous diverses conditions suspensives, une villa, avec réserve d’un droit d’usage et d’habitation partiel et viager au profit du vendeur, construite sur un terrain de 1 000 m², moyennant le prix de 450 000 euros, sur lequel ils ont versé un acompte dont l’agent immobilier a été institué séquestre.
Le terrain s’étant avéré d’une surface inférieure à celle annoncée et frappé d’une servitude conventionnelle non aedificandi, les acquéreurs, invoquant des manquements de l’agent immobilier à ses obligations d’efficacité, d’information et de conseil ont, après réitération de la vente en la forme authentique, refusé de lui payer la commission convenue
Assignés en paiement, ils ont sollicité, à titre reconventionnel, la réduction de cette commission, la restitution de l’acompte conservé par l’agent immobilier et l’allocation de dommages-intérêts ;
Attendu que, pour réduire la commission de l’agent immobilier à la somme de 5 000 euros et le condamner à payer aux acquéreurs la somme de 10 000 euros en réparation de leur préjudice matériel et moral, l’arrêt retient qu’en raison des fautes commises par l’agent immobilier dans l’exécution de sa mission, d’une part, sa commission doit être réduite, d’autre part, les acquéreurs seront indemnisés de la perte de chance de contracter à de meilleurs conditions ou de s’abstenir de contracter, ainsi que de mener à bien leur projet de construction ;
Or, en statuant ainsi, la cour d’appel, qui a indemnisé deux fois le même préjudice, a violé l’article 1382 du Code Civil devenu l’article 1240.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 1, 9 mai 2019 n°18-17.944