Les locaux destinés à l’usage exclusif de bureaux, pour l’activité d’administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction, qui est une activité commerciale au sens de l’article L. 110-1 du code commerce, sont affectés à un usage commercial qui fait bénéficier au preneur du droit de préemption de l’article L 145-46-1 du Code de Commerce.
En matière de baux commerciaux, l’article L 145-46-1 du Code de Commerce instaure un droit de préemption au bénéfice du locataire « lorsque le propriétaire d’un un local à usage commercial ou artisanal envisage de vendre celui-ci ».
La Cour d’appel de Paris rappelle que les parties s’opposent sur l’applicabilité de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, Monsieur et Madame X faisant valoir principalement que:
- cet article ne s’applique que lors de la vente de locaux à usage commercial ou artisanal ;
- les locaux à usage de bureaux ont été expressément exclus du champ d’application de ce texte par le législateur ainsi qu’il résulte du rejet de l’amendement 148 ;
- les locaux loués à la société Foncia Giep étant à usage exclusif de bureaux, elle ne bénéficiait pas d’un droit de préemption ;
- le droit de préemption instauré au profit du locataire constituant une atteinte au droit de propriété du bailleur les intimées ne peuvent se livrer à une interprétation extensive de l’article L. 145-46-1 contraire à l’esprit même du texte.
Pour rappel et lecture, l’amendement 148 évoqué et déposé par M. Jean-Étienne Antoinette visait à faire bénéficier du droit de préemption les professionnels libéraux mais en ajoutant le terme « bureaux » dans la partie de phrase suivante:
« lorsque le propriétaire d’un un local à usage commercial ou artisanal ou de bureaux envisage de vendre celui-ci ».
Cet amendement a été rejeté dans les termes suivants:
« Selon le rapporteur : M. Antoinette propose d’étendre le champ du droit de préférence aux locaux à usage de bureaux. Il s’agit d’une extension considérable du champ d’application de l’article 6, dont les conséquences ne sont absolument pas connues.
Même si je comprends l’intérêt qu’il y aurait à accorder le droit de préférence à un certain nombre de professionnels libéraux, l’adoption de l’amendement n° 148 rectifié pourrait avoir des incidences très perturbatrices sur le modèle économique de l’investissement tertiaire. En l’absence d’étude d’impact sérieuse sur le sujet, je préfère, dans un souci de prudence, demander à M. Antoinette de retirer son amendement ; s’il le maintenait, j’y serais défavorable. »
Le représentant du gouvernement de l’époque s’est également opposé à l’amendement dans ces termes:
le Gouvernement est opposé à votre amendement, pour deux raisons.
« Premièrement, les dispositions protectrices de la localisation d’un bail commercial ont un rapport direct avec l’activité de commerce, qui est bien distincte de l’activité de profession libérale. En effet, un commerçant ne connaît pas tous ses clients, dont certains ne viendront peut-être qu’une fois dans son magasin ; c’est parce qu’il est installé où il est que son affaire tourne. À l’inverse, le professionnel libéral entretient une relation intuitu personae avec sa clientèle ou sa patientèle ; il peut changer de localisation, celle-ci suivra. C’est l’une des raisons pour lesquelles les deux activités ne relèvent pas du tout du même droit.
Deuxièmement, les professionnels libéraux ne signent que très rarement, voire presque jamais, des baux commerciaux. En plus d’être contraire à l’esprit du projet de loi, la disposition que vous proposez, monsieur le sénateur, serait donc sans grand bénéfice pour les personnes que vous cherchez à servir. »
Ainsi, pour la Cour d’appel de Paris, les locaux à usage de bureaux ne sont ni inclus expressément ni exclus expressément du champ d’application de ce texte.
Monsieur et Madame X ne peuvent donc pas se prévaloir du rejet de l’amendement n° 148 visant à étendre ces dispositions aux locaux à usage de bureaux dès lors que cet amendement ne visait que les bureaux de professionnels non commerçants pratiquant une activité libérale et que tel n’est pas le cas en l’espèce, le litige portant sur les locaux donnés à bail à la société Foncia Giep, société inscrite au registre du commerce et des sociétés, locataire en vertu d’un bail conclu le 27 mars 2013 et soumis aux dispositions des articles L. 145-1 et suivants du code de commerce.
Selon la clause de destination du bail, les locaux sont destinés à l’usage exclusif de bureaux, pour l’activité d’administrateur de biens, syndic de copropriété, location, transaction.
Cette activité est une activité commerciale par application des dispositions de l’article L. 110-1 du code commerce. Il s’ensuit que les locaux loués à la la société Foncia Giep sont affectés à un usage commercial.
La Cour d’appel en conclut que c’est à juste titre que le premier juge a retenu qu’elle bénéficiait d’un droit de préemption lors de la vente des locaux loués par la société SCIEP.
Par cette décision, pour déterminer si le droit de préemption s’applique, les professionnels sont donc amenés à devoir faire une distinction entre l’usage du local et l’activité qui y est exercée.
Cour d’appel de Paris, Pôle 5 – chambre 3, 1er décembre 2021 n° 20/00194