La Convention Européenne des Droits de l’Homme ne permet pas d’obtenir le relevé de forclusion d’une action en rescision pour cause de lésion en matière immobilière.
Un bien immobilier appartenant à M. Jean X, majeur placé sous tutelle le 4 septembre 1990, a été vendu, sur autorisation du juge des tutelles, le 20 juin 1997, à Mme Y, pour le prix de 950.000 francs ; le 31 mai 2003 celle-ci l’a revendu aux époux Z pour le prix de 2.500.000 francs ; la mesure de tutelle ayant été levée le 11 février 2003, M. Jean X a assigné Mme Y, les époux Z, et l’Association départementale de tutelle (l’ADT), qui avait exercé la gérance de ses biens, notamment en rescision de la vente pour lésion.
M. X a fait grief à l’arrêt d’appel d’avoir rejeté sa demande, alors, selon lui, que toute personne dont les droits et libertés reconnus dans la convention européenne des droits de l’homme (CEDH) ont été violés a droit à l’octroi d’un recours effectif devant une instance nationale, alors même que la violation aurait été commise par des personnes agissant dans l’exercice de leurs fonctions officielles ; que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; que toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens ; qu’en l’espèce, où M. X n’a recouvré le droit d’agir en rescision pour lésion de la vente de sa maison d’habitation, intervenue en 1997, qu’à l’issue de la mesure de tutelle dont il a fait l’objet et qui a pris fin en février 2003, la cour d’appel, qui a déclaré cette action introduite en juillet 2003 forclose, en application de l’article 1676, alinéa 2, du Code civil qui prévoit que le délai de deux ans pour agir en rescision court contre les majeurs en tutelle, a violé les articles 6 et 13 de la Convention européenne des droits de l’homme et l’article 1er du premier protocole additionnel à cette convention.
La Cour de cassation rejette le pourvoi. L’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales qui consacre le droit d’accès à un tribunal permet à l’Etat de l’assortir de restrictions dans un but légitime, à condition que la substance même de ce droit n’en soit pas atteinte et que, si tel est le cas, les moyens soient proportionnés à ce but ; que si le délai de forclusion de deux ans prévu par l’article 1676, alinéa 2, du Code civil pour exercer l’action en rescision pour lésion justifié par la nécessité d’assurer la sécurité des transactions court contre le majeur sous tutelle alors que, du fait de l’instauration de cette mesure, il est privé du droit d’ester en justice, il n’en résulte pas pour autant une entrave à l’accès aux tribunaux dès lors que le droit d’action de l’incapable majeur, dont le bien ne peut être vendu qu’avec l’autorisation du juge des tutelles, est exercé par l’intermédiaire de son représentant légal ; qu’ayant constaté que l’action avait été engagée au début du mois de juillet 2003 alors que la vente avait été conclue le 20 juin 1997, la cour d’appel en a exactement déduit, sans violer les articles 6 et 13 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, que la forclusion était acquise.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 20 mai 2009 n° 08-13813