De temps en temps, même le bailleur avisé oublie qu’il peut vendre un logement occupé sans avoir besoin de proposer le bien à la vente en priorité au locataire. En effet, l’erreur commise par le bailleur qui délivre un congé pour vendre ne constitue pas une erreur de droit dès lors qu’elle ne porte pas sur la loi applicable, mais sur l’interprétation de cette loi.
En l’espèce, au visa de l’article 15-II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, un bailleur ayant des difficultés financières avait, avec une anticipation de quinze mois, délivré congé pour vendre à son locataire. Deux mois plus tard, le locataire devait accuser réception de la proposition, alertant cependant son auteur de ce qu’elle était prématurée. Puis, dans le délai légal, il acceptait sans condition l’offre, précisant qu’il entendait recourir à un emprunt. Ayant, entre-temps, trouvé une autre source de refinancement (par la souscription d’un prêt) et s’estimant victime d’une erreur de droit, le bailleur a alors fait savoir qu’il n’entendait plus vendre.
Il a été entendu par le juge du premier degré (TGI Paris, 2e ch., 15 sept. 2008, D. 2008. AJ 2721, obs. Rouquet), pour lequel l’erreur invoquée était caractérisée par la croyance erronée qu’il était légalement tenu de vendre en priorité à son locataire, alors qu’aucune disposition légale ou réglementaire n’interdit de vendre un bien immobilier occupé. L’offre a ainsi été déclarée nulle dès le départ et, par voie de conséquence, l’acceptation ultérieure de cette proposition est jugée insusceptible d’entraîner la formation du contrat de vente, le consentement du vendeur n’ayant pas été valablement donné.
Dans l’arrêt rapporté, le consentement du bailleur n’a pas été vicié par une erreur portant sur les droits de son locataire, puisque « lesdits droits n’étaient nullement inexistants ou exclus par la loi mais seulement optionnels selon que le bailleur souhaitait vendre son bien libre ou occupé ».
On relèvera par ailleurs que, dans l’arrêt rapporté, la cour d’appel de Paris laisse entendre que l’erreur invoquée n’est pas tant, de la part du bailleur d’avoir cru être obligé d’offrir de vendre le bien en priorité au locataire, que sa « méprise sur la durée de l’acceptation de l’offre notifiée[au locataire] ».
Puisqu’il résulte de ce qui précède qu’il n’existe pas d’erreur de droit, la cour analyse la situation in concreto pour qualifier l’erreur du bailleur d' »inexcusable »: dispositions de l’article 15 de la loi de 1989″claires, accessibles et dénuées d’équivoque », âge (40 ans) et situation professionnelle (gérant de société) du bailleur et conseils avisés de l’huissier .
Enfin, le juge du second degré retient que la tardiveté avec laquelle le bailleur s’est rétracté atteste qu’il avait délivré congé en toute connaissance de cause .
Et la cour d’infirmer très justement le jugement de 2008 en concluant que les volontés de vendre et d’acheter des parties se sont valablement rencontrées à la date de l’acceptation de l’offre.
Cour d’appel de Paris, pôle 4, ch. 1, 28 janv. 2010, RG n° 08/18586