Le désordre non apparent qui rend l’ouvrage impropre à sa destination entre dans le champ de la garantie décennale dont est tenu le vendeur d’immeuble à construire. Il en va de même à l’égard de désordres réservés mais dont l’ampleur n’était pas connue lors de la prise de possession de l’ouvrage.
L’arrêt soumis permet à la Cour de cassation de mettre un peu d’ordre dans le panel d’actions offert au maître de l’ouvrage insatisfait, entre le droit commun de la responsabilité contractuelle, le droit spécial de la construction et le droit « très » spécial de la vente d’immeuble à construire.
Champ d’application de la garantie décennale
Le maître d’ouvrage se plaignait de désordres affectant diverses menuiseries de l’ouvrage. L’assemblage des pièces litigieuses ne permettait pas d’assurer l’étanchéité de l’ouvrage, rendu ainsi impropre à sa destination. La mise en oeuvre de la garantie décennale du vendeur d’immeuble à construire apparaît alors légitime. Toutefois, le vendeur arguait à cette encontre des réserves faites par les acquéreurs dans le procès-verbal de réception, la Cour de cassation les juge inopérantes. En effet, les vices affectant les menuiseries étaient mentionnés sur le procès-verbal de réception. En revanche, le désordre à caractère décennal, causé par ces malfaçons – le défaut d’étanchéité – n’était pas apparent lors de la réception de l’ouvrage.
Il en va de même à propos des désordres afférents à la ventilation mécanique. Leur bruit avait été mentionné dans l’acte de réception mais le désordre s’était révélé dans toute son ampleur plus tard, en ce sens où l’installation véhiculait dans l’ouvrage des odeurs provenant d’autres appartements.
Sur ces deux points, la jurisprudence reste constante : il n’y avait pas lieu d’appliquer la garantie de parfait achèvement (mise en oeuvre pour les vices apparents réservés – pour une application, V. Civ. 3e, 11 févr. 1998, Bull. civ. III, n° 29), mais bien de mettre en jeu la garantie décennale du vendeur réputé constructeur. La Cour de cassation avait d’ailleurs déjà eu l’occasion de juger que les désordres constatés lors de la réception qui se sont révélés dans leur gravité postérieurement, entrent dans le champ d’application de la garantie décennale (V. Civ. 3e, 24 févr. 2009 – application à un vice « apparent » non réservé -, Constr.-Urb. 2009. 65, obs. Pagès-de Varenne ; 18 déc. 2001, RDI 2002. 150, obs. P. Malinvaud ; 28 févr. 1996, RDI 1996. 217, obs. P. Malinvaud et B. Boubli ).
Concours d’actions entre droit commun et droit spécial de la responsabilité
La troisième chambre civile vise les articles 1147, 1642-1 et 1648 du code civil pour écarter l’action en responsabilité du vendeur sur le fondement de la non-conformité à ses obligations contractuelles. Il s’agissait en l’espèce de brûlures sur le revêtement de sol, de rayures de miroir, de surplus de colle sur les vitrages. Cette position s’inscrit dans la distinction classique qu’il convient de faire entre le défaut de conformité au regard du contrat et les vices de construction (Civ. 3e, 2 mars 2005, Bull. civ. III, n° 50 ; RDI 2006. 304, obs. O. Tournafond ; 31 mars 1999, n° 97-18.019).
Qualification des échanges entre le maître de l’ouvrage et le vendeur afin d’effectuer quelques reprises
La Cour de cassation refuse de qualifier en l’espèce les échanges qui ont eu lieu entre les parties pour remplacer plusieurs lames de lambris dans l’appartement de « protocole transactionnel ». Cela se justifie par le fait qu’au-delà de l’accord de principe, les parties ne s’étaient pas entendues sur deux des éléments essentiels à la formation d’une transaction, à savoir : la nature des réparations à effectuer – en réalité la pose défectueuse du lambris ne nécessitait pas la reprise de quelques lames mais devait être reprise dans tout l’appartement – et le montant des réparations. Par ailleurs, sur ce point, à l’instar du désordre affectant la ventilation, les magistrats ne font produire aucun effet au caractère en partie apparent (constaté sur quelques planches) du désordre qui s’est révélé dans son ampleur – généralisé à l’ensemble de l’ouvrage – après réception.
Eléments de l’ouvrage figurant sur les plans mais non satisfaits par le vendeur
La question qui se posait était celle de savoir si le maître de l’ouvrage pouvait se retourner contre le vendeur au titre de l’absence de claustras qui apparaissaient pourtant sur les plans de l’ouvrage. La cour d’appel de Chambéry avait accueilli la demande de l’accédant, malgré l’absence de mention dans le descriptif de vente, au vu du fait que les claustras figuraient sur les plans et que cela correspondait par ailleurs aux usages habituels. La Cour de cassation apporte sa censure sur ce raisonnement, faute pour les magistrats du fond d’avoir examiné la prétention du vendeur selon laquelle le maître d’ouvrage avait accepté dans l’état des lieux l’absence de claustra. Cette violation d’un principe de procédure civile ne peut nous permettre de conclure quant à la position de la Cour régulatrice sur le fond du problème, mais peut laisser à penser que l’acceptation de l’état des lieux vaudrait ratification.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 21 septembre 2011 n° 09-69933