La Cour de Cassation a été amené à se prononcer à deux reprises, le même jour, sur la possibilité de résilier un bail pour dafaut d’exploitation. La Haute juridiction considère que, sauf stipulation expresse contraire, le défaut d’exploitation du fonds de commerce dans les lieux loués ne peut entraîner la résiliation judiciaire du bail.
La condition d’exploitation du fonds de commerce dans les lieux loués est posée tant en matière de bénéfice du statut des baux commerciaux qu’en ce qui concerne le droit au renouvellement du preneur. En effet, de nombreuses décisions considère que le statut des baux commerciaux est subordonné à l’exploitation par le locataire d’un fonds de commerce lui appartenant, ( not. Civ. 3e, 29 oct. 1985, Bull. civ. III, n° 135 ; V. aussi Civ. 3e, 16 juin 2004, Bull. civ. III, n° 121 ; D. 2004. AJ. 2047, obs. Rouquet ; ibid. 2005. Pan. 1090, spéc. 1092, obs. Rozès ; AJDI 2004. 853 et 885, avec, respectivement, les notes de J.-P. Blatter et M.-P. Dumont ; concernant exploitation et droit au renouvellement, V., par ex., Com. 8 févr. 1965, D. 1965. 292 ; Gaz. Pal. 1965. 1. 300 et Paris, 14 sept. 2006, AJDI 2006. 827).
Si l’article L. 145-1 du code de commerce se contente d’indiquer que le statut s’applique aux baux des immeubles ou locaux dans lesquels un fonds est exploité, l’article L. 145-8, quant à lui, exige et conditionne le droit à la propriété commerciale du (seul) propriétaire du fonds à une exploitation effective au cours des trois dernières années.
Le raisonnement de la Cour de Cassation et celui qui peut être déduit de ces deux textes semblent le même : la condition d’exploitation peut ne pas être respectée tout au long de la relation contractuelle. En effet, si l’exigence d’exploitation dans les lieux loués était requise de manière continue, le législateur n’aurait pas pris la peine de subordonner le droit au renouvellement à une exploitation durant les trois dernières années du contrat.
Du moins, le non-respect de cette condition est-il acceptable en cours de bail, pour autant qu’aucune prévision contractuelle n’impose expressément au commerçant une exploitation du fonds de commerce dans les lieux loués.
C’est ce que précisent les arrêts de cassation nos 653 et 826 du 10 juin 2009, voués à être publiés au Bulletin, et tous deux rendus, notamment, au visa des articles 1184 du code civil et L. 145-1 du code de commerce.
Dans les deux cas, la résiliation du bail avait été prononcée par les juges du fond (Aix-en-Provence, 24 mai 2007 et 13 déc. 2007), spécialement au motif (arrêt n° 826) que l’exploitation du fonds de commerce par son propriétaire dans les lieux loués est non seulement une obligation inhérente à l’économie du bail commercial mais aussi une condition de l’application du statut des baux commerciaux inscrite dans l’article L. 145-1.
Ces décisions sont censurées pour la raison susmentionnée : seule une stipulation contractuelle aurait permis de rendre permanente cette condition.
Ainsi, en définitive, comme l’a écrit un auteur, « pendant le cours du bail, le locataire n’est tenu que par les obligations de son contrat, le bailleur ne peut en exiger de lui aucune autre. Le défaut de respect de l’une des conditions d’application du statut en cours de contrat n’est pas une cause de résiliation, si cette même condition n’a pas été érigée en exigence contractuelle » (Blatter, Droit des baux commerciaux, Le Moniteur, 4e éd., n° 114).
Cour de Cassation 3ème Chambre Civile, 10 juin 2009 n°07-18618
Cour de Cassation 3ème Chambre Civile, 10 juin 2009 n°07-18618