Par cette décision, la Cour de Cassation apporte trois enseignements: (1) le locataire évincé a toujours le droit au paiement d’une indemnité d’éviction même s’il libère les locaux et prend à bail à la même date d’autres locaux au sein de la même résidence universitaire; (2) une clause du bail peut prévoir que le versement de l’indemnité d’éviction est conditionné au maintien dans les lieux du locataire; (3) le bailleur a toujours le droit au paiement d’une indemnité d’occupation fixée à la valeur locative pendant la période de maintien dans les lieux du locataire.
Pour mémoire, selon l’article L. 145-14 du Code de commerce, le bailleur qui refuse le renouvellement du bail commercial doit, sauf exceptions prévues aux articles L. 145-17 et suivants du Code de commerce, payer au locataire évincé une indemnité dite d’éviction égale au préjudice causé par le défaut de renouvellement, sauf dans le cas où le propriétaire fait la preuve que le préjudice est moindre.
Selon l’article L. 145-28 du Code de commerce, aucun locataire pouvant prétendre à une indemnité d’éviction ne peut être obligé de quitter les lieux avant de l’avoir reçue.
Jusqu’au paiement de cette indemnité, il a droit au maintien dans les lieux aux conditions et clauses du contrat de bail expiré.
Il résulte de ces textes que l’indemnisation du préjudice résultant du non renouvellement du bail, n’est pas subordonnée au maintien dans les lieux du preneur, qui, sauf condition expresse figurant dans le bail, n’est pas tenu, lorsque ce renouvellement lui a été refusé, de rester dans les lieux jusqu’au paiement de l’indemnité d’éviction.
Pour rejeter la demande de la locataire, l’arrêt relève d’abord, que, pour des motifs tenant à un choix de gestion, celle-ci a décidé librement de quitter les lieux, avant toute décision sur l’indemnisation de son éviction, en attente de laquelle elle bénéficiait du maintien dans les lieux.
Constatant ensuite que la locataire a libéré les locaux pris à bail à la même date que d’autres locaux qu’elle louait au sein de la même résidence universitaire et, retenant l’absence d’un préjudice lié au départ des lieux, directement imputable au congé, l’arrêt en déduit que le litige, concernant l’évaluation de l’indemnité d’éviction est sans objet.
En statuant ainsi, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Il résulte de l’article L. 145-28, alinéa 1er, du Code de commerce que, lorsque le locataire se maintient dans les lieux en attente du paiement de l’indemnité d’éviction, le bailleur peut prétendre dès la résiliation du bail , au paiement d’une indemnité d’occupation, distincte du loyer, qui, à défaut de convention contraire, correspond à la valeur locative des lieux déterminée selon les critères de l’article L.145-33 du Code de commerce.
Pour rejeter la demande de la bailleresse tendant à la fixation d’une indemnité d’occupation selon la valeur locative, l’arrêt constate qu’elle a continué de percevoir le loyer aux conditions du bail expiré et retient qu’ayant refusé le renouvellement du bail , elle a renoncé à solliciter un loyer fixé à la valeur locative dans le cadre d’un nouveau bail et s’est privée de la possibilité de relouer les lieux à un loyer plus élevé.
En statuant ainsi, alors que la bailleresse pouvait prétendre au paiement par le locataire d’une indemnité calculée selon la valeur locative pour l’occupation du bien depuis la date d’expiration du bail , la cour d’appel a violé le texte susvisé.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 15 Juin 2023 n°22-13.376