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Publié le 27 Nov 2011

Permis de construire : comment le promoteur peut-il lutter contre les recours abusifs des tiers ?

En droit de l’urbanisme, il existe un personnage, un véritable cauchemard pour les promoteurs : il s’agit du tiers lésé. Ce dernier peut être un voisin dont la vue ou l’ensoleillement va être troublé par la construction future ou simplement parce qu’il est animé d’intentions purement mercantiles.

Il peut également s’agir d’une association de défense écologique. Comment lutter face à ce fléau, à la multiplication des recours qui aujourd’hui est devenu un véritable « business » pour certains. Nous tentons ci-après d’apporter au professionnel les explications permettant de comprendre le processus juridique et surtour l’arsenal juridique qui est à sa disposition pour tenter de renverser la situation.

La profession du bâtiment a également réagit en créant une assurance spécifique pour ce type de problématique, qui sera également évoquée.

Le tiers lésé est malicieux à l’exception de celui qui aura préalablement attaqué le POS ou le PLU de la commune, qui n’est pas concerné par le présent article, le tiers lésé sait qu’avant de déposer un permis le promoteur engage des frais dans ses études, sollicite des financements bancaires, voire commence la commercialisation du projet. Il va alors attendre que le promoteur soit suffisamment avancé dans ses projets pour attaquer le permis de construire devant le Tribunal Administratif ou le Tribunal de Grande Instance.

A cet égard, les motivations de ce tiers lésé peuvent être diverses, son intention peut être noble s’il existe une violation manifeste par le Maire qui délivre le permis de construire, (assisté de la DDE), d’une règle d’urbanisme protectrice du voisinage.

Malheureusement, certains en font un gagne pain et tente au passage d’une construction de s’enrichir au détriment des futurs acquéreurs qui devront supporter le poids économique de la somme qui lui sera versé par le promoteur.

Ce tiers lésé va déclencher des procédures de blocage de la construction en déposant un recours en nullité du permis de construire pour des motifs purement mercantiles.

Classiquement celui-ci va en l’échange du retrait de son recours contre une indemnisation conséquente par le promoteur. En ffet, il sait qu’en cas d’attaque du permis de construire, la réalisation de l’opération immobilière est pratiquement paralysée pendant de nombreuses années, les banques retirant bien évidemment leur concours financier, avec des frais d’études pré-payées mais sans suite immédiate.

Le premier indice de la moralité du tiers lésé est le fait de déposer ou non une demande de sursis à exécution au permis de construire devant le Juge des Référés du Tribunal Administratif en même temps qu’il déposera le recours. S’il le fait, c’est qu’il est probablement animé de nobles intentions et qu’il dispose de moyens sérieux pour faire stopper en référé la construction par le fait que sera ordonné le sursis à exécution.

S’il ne le fait pas et laisse se dérouler l’instruction du recours contre le permis de construire devant le Tribunal Administratif, ce qui peut prendre des années, c’est qu’il veut probablement tirer un avantage financier de son recours à un moment ou à un autre.

Mais alors comment le promoteur peut-il faire face à cette tentative d’escroquerie ou d’extorsion de fonds ?

Le promoteur peut et doit réagir vivement en entamant immédiatement un procès en dommages intérêts devant le Tribunal de Grande Instance si les moyens invoqués par le tiers lésé à l’appui de son recours ne sont manifestement pas fondés ou peu fondés.

L’assignation en dommages intérêts qui sera lancée par le promoteur du chef du préjudice financier qu’il subit par le blocage de l’opération peut dissuader les plus déterminés de maintenir leur recours devant le Tribunal Administratif.

En d’autres termes, parfois le tiers lésé abandonnera son recours par crainte d’avoir à payer au promoteur des dommages intérêts conséquents.

Cette solution qui peut décourager le tiers lésé doit êter précédé d’un certain nombre de précautions en amont du permis de construire.

I LES DEMARCHES A REALISER EN AMONT DU PERMIS DE CONSTRUIRE

Certains promoteurs déposent immédiatement un permis de construire avec l’aide de leur architecte puis attendent l’expiration du délai de recours de deux mois à compter de l’affichage.

C’est une mauvaise solution.

De nos jours, la complexité des règles d’urbanisme et la vigilance des voisins obligent les promoteurs à prendre des mesures de précautions, à savoir de :

– rencontrer tous les décideurs du permis: le Maire et sa Direction de l’Urbanisme, la DDE qui bien souvent instruit le permis aux lieu et place du Maire qui lui délègue ses pouvoirs, voire le Préfet en cas de construction complexe et l’Architecte des Bâtiments de France, si l’on est dans un secteur sauvegardé.

– contacter les voisins et les associations de défense locales afin d’expliquer le projet. Rien de plus désagréable de découvrir à son insu la réalisation d’un projet

– se faire assister d’un conseil

II LES RECOURS CONTRE LE PERMIS DE CONSTRUIRE

Selon l’article R 490-7 du Code de l’Urbanisme, le délai du recours contentieux à l’encontre d’un permis de construire court à compter de la plus tardive des deux dates suivantes :

– le 1er jour d’une période continue de deux mois d’affichage sur le terrain.

– le 1er jour d’une période continue de deux mois d’affichage en Mairie.

Lorsque le tiers lésé introduit une procédure, la recevabilité du recours est examiné selon les critères suivants :

– le voisin doit justifier d’un intérêt personnel et direct ;

– l’Association de défense doit avoir suffisamment d’intérêt à agir.

Dans les deux mois de la date ci-dessus fixée, le tiers lésé va donc attaquer pour divers motifs bien connus des promoteurs qu’il est impossible ici de détailler mais qui sont le plus généralement :

– vice de forme

– erreur de droit par rapport au POS, au PLU ou une règle d’urbanisme

– détournement de pouvoir.

De toute façon, en vertu d’une réforme par une Loi du 9 février 1994 le tiers lésé a l’obligation de notifier son recours devant le Tribunal Administratif au promoteur, lequel en sera aussitôt prévenu.

A) Le recours du tiers lésé devant le Tribunal Administratif

En matière contentieuse, la voie choisit par le tiers lésé l’engage. En effet, s’ilintroduit un recours en annulation du permis de construire devant le Tribunal Administratif, il devra y rester.

Il devra alors attendre que le permis soit éventuellement annulé sans possibilité pour le tiers lésé, comme on le voit parfois, d’essayer une instance en référé devant le Tribunal de Grande Instance pour tenter de faire stopper la construction sous astreinte.

En effet, l’article L 480-13 du Code de l’Urbanisme dispose que :

 » Lorsqu’une construction a été édifiée conformément à un permis de construire :

a) Le propriétaire ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à la démolir du fait de la méconnaissance des règles d’urbanisme ou des servitudes d’utilité publique que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir par la juridiction administrative. L’action en démolition doit être engagée au plus tard dans le délai de deux ans qui suit la décision devenue définitive de la juridiction administrative ;

b) Le constructeur ne peut être condamné par un tribunal de l’ordre judiciaire à des dommages et intérêts que si, préalablement, le permis a été annulé pour excès de pouvoir ou si son illégalité a été constatée par la juridiction administrative. L’action en responsabilité civile doit être engagée au plus tard deux ans après l’achèvement des travaux.  »

Au vu de ce qui précède, le tiers lésé tentera probablement alors un recours en sursis exécution devant le Juge des Référés du Tribunal Administratif qui est supposé statuer rapidement.

Si le sursis à exécution est prononcé par ce Juge, soit le promoteur attendra l’épuisement du recours devant le Tribunal Administratif et le Conseil d’Etat ce qui peut prendre des années, soit il abandonnera purement et simplement son projet !

Mais si le tiers lésé ne demande pas le sursis à exécution devant le Juge des Référés du Tribunal Administratif, le promoteur peut tout à fait commencer ses constructions. Il le pourra « à ses risques et périls » et l’on verra ci-après ce qui se passe si des années plus tard le permis de construire est annulé alors que la construction a déjà été réalisée.

B) Le recours du tiers lésé devant le Tribunal de Grande Instance

Le tiers lésé peut utiliser une autre voie que celle du Tribunal Administratif en saisissant le Tribunal Judiciaire, c’est-à-dire le Tribunal de Grande Instance.

Le tiers lésé fondera alors son action sur les dispositions de l’article 1382 du Code Civil en faisant la preuve d’une faute commise par le constructeur, c’est à dire la violation d’une règle d’urbanisme, le préjudice direct qui en est résulté et le lien de cause à effet entre les deux.

Là encore et comme devant le Tribunal Administratif, le tiers lésé peut utiliser la voie du référé judiciaire pour tenter de faire bloquer la construction par le Juge qui interdira toute démolition ou construction sous astreinte.

En présence d’une contestation sérieuse et en l’absence de trouble manifestement illégal, le Juge des référés pourra se déclarer incompétent au profit du Tribunal de Grande Instance s’il estime que l’affaire nécessite un examen de fond des moyens invoqués par le tiers lésé à l’appui de sa demande d’arrêt de démolition ou construction.

Si le Juge des Référés renvoie l’affaire devant le Tribunal du fond, le tiers lésé devra alors assigner devant le Tribunal de Grande Instance et le promoteur subira les délais judiciaires classiques en la matière : 12 mois devant le Tribunal et autant devant la Cour d’Appel.

Le tiers lésé s’il est de bonne foi introduira une procédure accélérée dite  » à jour fixe », pour obtenir un Jugement sous les deux mois puis au besoin un Arrêt de la Cour également en procédure accélérée sous deux mois.

Suivant l’article L 480-13 du Code de l’Urbanisme, le Tribunal judiciaire ne peut condamner le propriétaire qu’à la condition que l’action en responsabilité soit intentée tout au plus 5 ans après l’achèvement des travaux.

III QUE FAIRE SI LE PROMOTEUR A CONTINUE SA CONSTRUCTION MAIS VOIT SON PERMIS ANNULE PAR LE TRIBUNAL DES ANNEES PLUS TARD ?

Comme il a été dit précédemment, si aucun sursis à exécution n’a été prononcé, le promoteur a pu continuer sa construction même si un recours en annulation du permis de construire a été déposé.

Mais si le permis de construire est annulé au bout de quelques années par un Jugement du Tribunal Administratif voire en appel ou par un arrêt du Conseil d’Etat, ou encore si devant le Tribunal de Grande Instance ou la Cour d’Appel, les Juges constatent que c’est à tort que le permis de construire a été obtenu alors qu’une règle d’urbanisme a été violée ?

Dans ce cas ce n’est pas le Juge Administratif que le tiers lésé devra saisir mais le Juge judiciaire, c’est-à-dire le Tribunal de Grande Instance puis la Cour d’Appel qui peut faire droit à la demande en démolition du tiers lésé qu’il ne manquera pas de présenter.

Or, les Tribunaux et Cours sont tenus de faire droit à la demande en démolition si elle est possible.

C’est ce que la Jurisprudence appelle « la réparation en nature ». Depuis 1979, la Cour de Cassation considère que la démolition est un droit pour le demandeur dès l’instant qu’elle est possible et que la construction illicite lui cause un préjudice personnel.

Evidemment, si le bâtiment est construit et habité, le Tribunal substituera à la démolition une indemnité pécuniaire qu’obtiendra le tiers lésé, indemnité d’ailleurs diversement appréciée par les Tribunaux qui tiennent compte des éléments suivants :

– troubles de jouissance,

– perte de lumière ou d’ensoleillement,

– enclavement,

– destruction de l’environnement, etc…

Le montant de ces indemntiés peuvent être importantes et pourront avoir un impact financier indéniable sur le projet.

En conclusion, les promoteurs peuvent se rassurer sur l’avenir de leur construction, mais doivent envisager et se préparer au coût économique d’une indemnité. Bien évidemment, il existe encore des solutions pour se prémunir contre cette dernière conséquence.

IV LA RIPOSTE DU PROMOTEUR

Contre les auteurs de recours abusifs, il ne faut pas hésiter à riposter et à montrer que loin d’être désarmé, il existe un arsenal juridique permettant de le poursuivre pour obtenir réparation du préjudice subit.

Le promoteur peut agir de deux manières :

– Soit le promoteur assigne immédiatement devant le Tribunal de Grande Instance en dommages intérêts conséquents au titre du préjudice qu’il subit composé le plus souvent: des études engagées, des agios bancaires, de la perte de plus-value financière, etc… Cette assignation peut parfois déboucher sur un abandon du recours introduit par le tiers lésé.

Avant toute action, le promoteur devra s’assurer que son permis de construire ne viole pas une règle d’urbanisme.

– Soit le promoteur subit la procédure administrative très longue et attend de connaitre le sort qui sera réservé à son permis de construire. Pendant, l’intervallle il aura pris la décision de construire ou de ne pas construire. A ce stade, alors deux solutions lui sont ouvertes :

– s’il gagne son procès devant la Juridiction Administrative, il pourra introduire une action contre le tiers lésé devant le Tribunal Judiciaire en lui réclamant des dommages intérêts que constitue tout son préjudice financier : études, agios bancaires, perte de plus-value. Cependant, la Jurisprudence est assez restrictive sur le sujet et les Tribunaux ou Cours d’Appel n’accordent des dommages intérêts que lorsqu’ils considèrent que le tiers lésé a commis un abus de droit, c’est-à-dire que son argumentation à l’appui de son recours n’était pas suffisamment sérieuse. Les Juges du fond ont toute latitude pour apprécier !

– s’il perd son procès devant la Juridiction Administrative, il pourra introduire une action devant le Tribunal Administratif à l’encontre de la Commune en réclamant tous les dommages intérêts issus de l’annulation du permis ; en effet si le permis est annulé alors qu’il a été délivré par le Maire après instruction des services de l’urbanisme, qui est responsable ? La Commune, bien sûr !

V LES PROCES EN DOMMAGES INTERETS DES PROMOTEUR
CONTRE L’ETAT

Si le permis de construire a été annulé, cela induit indiscutablement que le Maire a commis une violation de la règle de droit d’urbanisme ou une erreur d’appréciation du permis, ce qui constitue une faute administrative passible d’un dédommagement.

Là encore, le Juge Administratif a toute latitude pour apprécier et il ne retiendra des dommages intérêts contre la Commune que si le manque à gagner du promoteur est tenu pour certain, lorsque la preuve formelle des bénéfices escomptés à brève échéance peut être apportée au quel cas la Commune sera condamnée à dédommager le préjudice qui peut être lié à la valeur de l’immeuble lui-même, aux frais dus à l’opération d’urbanisation elle-même, aux frais de contentieux et à tous préjudices commerciaux ou manque à gagner.

Attention, le promoteur doit être avertit qu’il n’obtiendra une indemnisation qu’après plusieurs années de procédure tant ce type de question sont longues à trancher.

VI LA GARATNIE « PERMIS DE CONSTRUIRE »

La Garantie « Permis de construire », une solution d’assurance contre les recours illégitimes d’après la SMABTP et la Fédération des promoteurs immobiliers de France qui se sont associées pour bâtir une solution d’assurance tentant de répondreà la préoblématique créé par le recours des tiers.

Le nouveau contrat mis au point garantit les promoteurs et leurs acquéreurs, des conséquences financières d’une annulation ou d’une suspension du permis de construire, facilite la réalisation d’une opération de construction respectant les règles d’urbanisme, malgré la présence d’un recours.

Ce nouveau contrat s’articule en deux étapes : la première est l’analyse du risque ; elle consiste en l’étude du permis et des recours par un expert juridique indépendant ; chaque région dispose de son expert afin d’appréhender les particularités propres aux territoires concernés ; la deuxième est la garantie par opération. Elle couvre les conséquences pécuniaires des promoteurs et des acquéreurs en VEFA (vente en l’état futur d’achèvement) lorsque le permis de construire d’une opération est annulé ou suspendu. Cette offre de la SMABTP a été élaborée dans le cadre de la SGAM BTP.

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