Le bailleur qui, avant d’en devenir propriétaire, a sous-loué des locaux même de manière irrégulière, a qualité à agir en paiement des sous-loyers. Cependant, il ne peut se rattacher à une action an nullité du bail commercial comme point de départ de la prescription quinquennale du paiement des loyers qui court à compter de la délivrance de l’assignation.
En l’espèce, le bail commercial, conclu en 1997, porte sur un local dont le bailleur est propriétaire et sur un local mitoyen dont le bailleur était seulement locataire et qu’il sous-louait au locataire du premier local.
Le 18 juillet 2019, le bailleur a acquis la propriété du local mitoyen.
Le 12 avril 2021, le bailleur a assigné la société locataire des deux locaux en paiement d’arriérés de loyer depuis 2013 pour l’ensemble des locaux.
Aux termes de l’article 31 du Code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
Selon l’article 1165 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, les conventions n’ont d’effet qu’entre les parties contractantes et ne nuisent point aux tiers.
Il est jugé que, si une sous-location irrégulièrement consentie est inopposable au propriétaire, elle produit tous ses effets dans les rapports entre locataire principal et sous-locataire tant que celui-ci a la jouissance paisible des lieux.
Pour déclarer irrecevable l’action en paiement d’arriérés de loyer intentée par le bailleur pour la période antérieure à l’acquisition du local mitoyen, l’arrêt constate que le bailleur a donné à bail ces locaux, alors qu’il en était locataire et non propriétaire.
Puis, il retient que les actions nées d’un contrat de bail sont purement personnelles et mobilières, que les créances nées de faits dommageables antérieurs à l’aliénation restent dans le patrimoine du vendeur sans passer dans celui de l’acquéreur, que le bailleur ne justifie ni d’une subrogation dans les droits dont bénéficiaient les précédents propriétaires ni d’une cession de créance dans l’acte de cession et que les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire.
Il en déduit que, faute de qualité à agir, le bailleur est irrecevable en sa demande en paiement des loyers dus au titre de l’occupation des locaux mitoyens avant le 2 août 2019.
En statuant ainsi, alors que le bailleur qui, avant d’en devenir propriétaire, avait sous-loué ces locaux, avait qualité à agir en paiement des sous-loyers, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Selon l’article L. 110-4 du Code de commerce, les obligations nées à l’occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par cinq ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.
Selon l’article 2241 du Code civil, la demande en justice, même en référé, interrompt le délai de prescription.
Il en résulte que le bailleur ne peut pas obtenir le recouvrement des arriérés de loyer échus plus de cinq ans avant la date de sa demande en justice, sauf interruption de la prescription.
L’interruption de la prescription, qui ne profite qu’à celui qui a réalisé l’acte interruptif, ne peut s’étendre d’une action à une autre.
Il n’en est autrement que lorsque les deux actions, bien qu’ayant une cause distincte, tendent à un seul et même but, de telle sorte que la seconde est virtuellement comprise dans la première.
Pour écarter la prescription de l’action en paiement des loyers échus, l’arrêt retient, par motifs adoptés, que la prescription quinquennale n’atteint les créances que si elles sont déterminées dans leur nature et dans leur montant et qu’elle ne peut courir s’agissant du loyer du bail commercial qui a fait l’objet d’un litige, et, par motifs propres, que, même si les procédures antérieures n’ont jamais eu pour objet spécifique le paiement des loyers, le litige portant sur la validité du bail avait un impact direct sur les loyers puisqu’arguant de la nullité du bail , la société locataire en demandait le remboursement depuis le 31 juillet 2007.
En statuant ainsi, par des motifs inopérants à caractériser une cause d’interruption de la prescription ou de report de son point de départ, alors que l‘action en nullité du bail intentée par la locataire était sans incidence sur la prescription de l’action en paiement des loyers, la cour d’appel a violé les textes susvisés.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 25 Avril 2024 n° 22-23.291