L’agent immobilier qui est en charge de la location d’un bien immobilier engage sa responsabilité et doit indemniser les propriétaires au titre de la perte de chance de ne pas avoir à supporter les impayés locatifs et le coût de la procédure dès lors qu’il ne vérifie pas la solvabilité des candidats, ne demande pas de caution ni de versement de dépôt de garantie.
Pour mémoire, aux termes de l’article 1147 ancien du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur, le 1er octobre 2016, de l’ordonnance du 10 février 2016, ‘le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part’.
De plus, l’article 1992 du même code prévoit quant à lui que le mandataire doit répondre non seulement du dol, mais encore des fautes qu’il commet dans sa gestion.
Par ailleurs, l’agent immobilier, négociateur d’une opération locative, est tenu, quelle que soit l’étendue de sa mission, de s’assurer de la solvabilité des candidats à la location en procédant à des vérifications sérieuses, dans les limites prévues par l’article 22 de la loi du 6 juillet 1989 (Cour de cassation, Civ 1ère, 4 mai 2012, n°10-28.313).
L’annexe I du décret du 5 novembre 2015, pris en application de ce texte, permet au bailleur de demander notamment au locataire, avant de conclure le contrat de bail, la communication d’un ou plusieurs documents attestant des activités professionnelles qu’il exerce, ainsi que de ses revenus, en particulier le dernier ou l’avant-dernier avis d’imposition et ses trois bulletins de salaire, outre ses trois dernières quittances de loyer.
En l’espèce, un couple de propriétaires a confié à un agent immobilier un mandat de location sans exclusivité pour trouver des locataires pour leur appartement.
Les locataires retenus par cet agent immobilier ont cessé de payer leur loyer et les propriétaires ont dû engager une action afin d’obtenir la résiliation du bail.
Les mandants recherchent la responsabilité de leur mandataire en lui imputant divers manquements contractuels.
Les locataires n’avaient aucune situation professionnelle de nature à garantir le paiement du loyer.
Le professionnel poursuivi n’a pas:
- vérifié de manière approfondie leur solvabilité alors qu’ils n’occupaient que des emplois saisonniers et avaient connu antérieurement une longue période de chômage.
- demandé à chacun de fournir une caution solidaire.
- sollicité le versement d’un dépôt de garantie.
Ces manquements ont fait perdre aux mandants une chance de ne pas avoir dû supporter les impayés locatifs d’un montant de 17303 euros.
Cette perte de chance est évaluée à 60 % compte tenu des difficultés rencontrées par les mandants pour trouver de nouveaux locataires, des désordres affectant l’appartement litigieux (défaut de ventilation, humidité, condensation, présence de moisissures, absence d’amenée d’air permanente dans le local où est installée la chaudière à gaz, mauvaise organisation du logement), du fait que ce dernier ne peut être loué comme un T3 en raison de la superficie insuffisante des chambres et du caractère aléatoire du recouvrement du loyer auprès d’une caution.
Les mandants ont également subi une perte de chance de 95 % de ne pas payer les frais induits par la procédure d’expulsion, s’élevant à 2722 euros. La probabilité d’avoir dû engager de tels frais en l’absence de manquements contractuels de l’ agent immobilier s’avère en effet très faible.
C’est donc un montant total de 12968 euros qui est mis à la charge de l’ agent immobilier à titre de dommages et intérêts.
Cour d’appel, Chambéry, 1re chambre, 25 Juin 2024 n° 21/02119