Cette décision apporte un éclairage sur le droit de préférence du locataire commercial en cas de mise en vente de ses locaux par le propriétaire : d’une part, pour demander la nullité d’une vente le locataire doit avoir cette qualité de locataire à la date de la vente même s’il la perd après, et d’autre part, si le bailleur vend un local commercial et un local d’habitation distinct, cela s’analyse s’analyse en une « cession globale » excluant l’application du droit de préférence du locataire commercial.
1 – Sur la qualité de locataire à la date de la vente
Aux termes de l’article 31 du code de procédure civile, l’action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d’une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d’agir aux seules personnes qu’elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé.
En application de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, le propriétaire d’un local à usage commercial qui envisage de vendre celui-ci, doit adresser une notification qui vaut offre de vente au locataire qui dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer.
Il en résulte que, s’agissant d’une nullité relative, seul le locataire commercial évincé peut agir en nullité de la vente du local commercial, réalisée sans purge de son droit de préemption.
Toutefois, c’est au jour de la vente arguée de nullité que cette qualité doit être caractérisée, et non au jour de l’exercice de l’action, de sorte qu’en l’espèce, il est constant qu’au jour de la vente litigieuse, le 4 décembre 2019, la société F était locataire, le commandement de payer visant la clause résolutoire ayant été délivré le 23 juillet 2020.
Dès lors, la société F a qualité pour agir en nullité de la vente du 4 décembre 2019.
2 – Sur la nullité de la vente d’un local à usage commercial et d’un lot à usage d’habitation
En application de l’article L. 145-46-1 du code de commerce, le propriétaire d’un local à usage commercial qui envisage de vendre celui-ci, doit adresser une notification qui vaut offre de vente au locataire qui dispose d’un délai d’un mois à compter de la réception de cette offre pour se prononcer et exercer un droit de préférence.
Le dernier alinéa de l’article L.145-46-1 prévoit des exceptions à son application, notamment dans l’hypothèse d’une « cession globale d’un immeuble comprenant des locaux commerciaux ».
En cas de non-respect de ces dispositions d’ordre public, la vente réalisée en violation du droit de préférence du locataire commercial est nulle.
Il en résulte que ce droit de préemption porte atteinte au droit de propriété du propriétaire bailleur, droit fondamental à valeur constitutionnelle, et au libre choix de son cocontractant. Dès lors, il doit faire l’objet d’une interprétation stricte et ne saurait ni contraindre le propriétaire à vendre son local commercial indépendamment de ses autres biens dans le même immeuble, ni étendre le droit de préemption du locataire à des biens non compris dans l’assiette du bail.
En l’espèce, la vente attaquée du 4 décembre 2019 porte sur deux lots de copropriété, dont un seulement, le lot n°1, constitue un local commercial donné à bail à la société F. Elle porte donc sur une assiette plus vaste que celle du bail commercial, de sorte qu’elle s’analyse en une « cession globale » exclusive du droit de préférence du locataire commercial.
Dès lors, la société F ne bénéficiant pas d’un droit de préférence, sa demande de nullité de la vente du 4 décembre 2019 fondée sur les dispositions de l’article L. 145-46-1 du code de commerce est rejetée.
Tribunal judiciaire, Paris, 2e chambre, 2e section, 5 Décembre 2024 n°21/11808