Lorsque le bail commercial prévoit que la cession du fonds de commerce – impliquant la cession du droit au bail commercial– doit être réalisée par acte authentique, toute cession réalisée sous seing privé est inopposable au bailleur. La Cour de cassation confirme que la méconnaissance des stipulations contractuelles prive le cessionnaire du droit d’agir à la place du locataire initial.
1. Règles de droit applicables et jurisprudence
1.1 Validité des clauses imposant un acte authentique
Les clauses imposant que la cession soit constatée par acte authentique et que le bailleur soit dûment appelé sont licites (Cass. com., 12 juin 1963, Bull. civ. III, n° 294 ; CA Nancy, 2e ch. com., 18 déc. 2013, n° 2521/13).
La Cour de cassation a déjà censuré les cessions de fonds réalisées :
- par acte sous seing privé, sans respect des conditions de forme (Cass. com., 26 oct. 1993, n° 91-15.877) ;
- avec dépôt ultérieur au rang des minutes d’un notaire, insuffisant pour régulariser l’irrégularité initiale (Cass. 3e civ., 1er avr. 1998) ;
- lorsque la notification au bailleur d’un acte irrégulier n’emporte aucune régularisation (Cass. com., 9 juin 2022, n° 20-10.980) ;
- ou encore lorsque la clause du bail stipule que toute cession devra être faite par acte authentique, et que le bailleur n’a pas renoncé à cette exigence (Cass. 3e civ., 7 sept. 2022, n° 21-17.750).
2. Rappel des faits
- Le bailleur avait donné à bail à la société Le Romarin un immeuble à usage d’hôtel.
- Le 22 janvier 2021, il a délivré un congé pour un garage dans le même immeuble, occupé à titre de prêt à usage.
- La société locataire a contesté ce congé devant le juge.
- Le 7 janvier 2022, elle a cédé son fonds de commerce à la société WF par acte sous seing privé.
- La cessionnaire est intervenue volontairement dans l’instance en cours, en remplacement de la société locataire.
3. La décision rendue
Le bail prévoyait expressément que toute cession devait être :
- réalisée par acte authentique,
- avec intervention du bailleur,
- et remise d’une copie exécutoire sans frais.
Ces stipulations n’ayant pas été respectées, la Cour d’appel a retenu que la cession était inopposable au bailleur. La Cour de cassation confirme cette analyse : en l’absence du respect de ces exigences formelles, la cession ne produit aucun effet à l’égard du bailleur.
4. Enjeux pratiques
- Respect strict des conditions de forme imposées par les baux commerciaux.
- En cas de non-respect, le cessionnaire ne peut pas bénéficier du droit au bail et ne peut pas agir en justice à la place du cédant.
- Attention particulière à accorder lors des cessions de fonds de commerce incluant un bail commercial.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 13 mars 2025 n° 23-23.372