Lorsque la notification prévue par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation a été effectuée non par lettres distinctes, adressées à chacun des époux acquéreurs, mais par une lettre unique libellée au nom des deux, elle ne peut produire effet à l’égard des deux que si l’avis de réception a été signé par chacun des époux ou si l’époux signataire était muni d’un pouvoir à l’effet de représenter son conjoint.
Deux arrêts du 9 juin 2010 viennent préciser utilement le régime de la rétractation organisée par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation lorsque le bien est acquis par deux époux.
On sait qu’aux termes de cette disposition, l’acquéreur non professionnel d’un immeuble à usage d’habitation (et non d’un immeuble à usage mixte, Civ. 3e, 30 janv. 2008, D. 2008. AJ 485, obs. Vincent) peut se rétracter dans un délai de sept jours à compter du lendemain de la première présentation de la lettre qui lui notifie l’acte. La loi précise que « cet acte est notifié à l’acquéreur par lettre recommandée avec demande d’avis de réception ou par tout autre moyen présentant des garanties équivalentes pour la détermination de la date de réception ou de remise« .
Mais lorsque l’acquéreur est un couple marié, le vendeur – ou son mandataire – peut-il se contenter d’adresser une seule notification libellé au nom des deux époux ?
Pas toujours, répond la Cour de cassation au travers de ces deux arrêts, l’un de rejet, l’autre de cassation.
Dans la première espèce (n° 725), le pourvoi, qui se fondait sur la solidarité ménagère (art. 220 c. civ.) pour affirmer que la notification faite à l’un des époux produisait tous ses effets à l’égard de l’autre, est rejeté au motif que la signature de l’avis de réception par un seul des époux ne démontrant pas que l’autre avait reçu notification du délai légal de rétractation, ce délai n’avait pas couru à son égard. La précision justifiait alors la rétractation opérée par les époux près d’un an plus tard.
Dans la seconde espèce (n° 726), c’est un arrêt favorable au vendeur qui est censuré au motif que « lorsque la notification prévue par l’article L. 271-1 du code de la construction et de l’habitation a été effectuée non par lettres distinctes, adressées à chacun des époux acquéreurs, mais par une lettre unique libellée au nom des deux, elle ne peut produire effet à l’égard des deux que si l’avis de réception a été signé par chacun des époux ou si l’époux signataire était muni d’un pouvoir à l’effet de représenter son conjoint« .
De ces solutions, il faut retenir qu’il est parfaitement possible, mais très dangereux, de se contenter d’envoyer une unique lettre recommandée avec avis de réception au nom des deux époux. Car la manoeuvre place le vendeur à la merci du bon vouloir des acquéreurs… et de leur connaissance du droit. Que l’un des deux omette de signer, ou qu’il prenne garde de ne pas le faire pour pouvoir se rétracter ad nutum, et le vendeur verra l’opération tomber sans espoir d’indemnisation. L’hypothèse du mandat donné à l’un de signer pour l’autre se heurte au même obstacle en pratique.
La solution extrêmement rigoureuse est inctestable juridiquement. Le respect de cette formalité étant économiquement faible, on s’abstiendra de s’en dispenser.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 9 juin 2010 n° 09-14503
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 9 juin 2010 n° 09-15361