Les faits sont les suivants.
Suite de la délivrance d’un commandement de payer un arriéré de loyers avec acquistion de la clause résolutoire, un preneur à bail commercial a été condamné en référé à s’acquitter de sa dette sous un certain délai.
Le locataire n’a pas respecté ce délai. Le bailleur a alors obtenu du juge de l’exécution un jugement devenu définitif, en vertu duquel le preneur a été sommé de quitter les lieux.
Moins de deux ans après, le locataire a introduit une action au fond dans le but de contester la résiliation et, le cas échéant, d’obtenir un délai pour s’acquitter de l’arriéré dont il pourrait être déclaré redevable.
Le juge saisi du fond de l’affaire a fait droit aux demandes du locataire en prétextant que l’ordonnance de référé n’a, en principe, pas autorité de la chose jugée et que, par conséquent, le preneur était tout à fait recevable à contester au fond le principe même de l’acquisition de la clause résolutoire (jugeant, au visa de l’art. 488 c. pr. civ., que l’ordonnance de référé qui constate l’acquisition d’une clause résolutoire n’ayant pas, au principal, l’autorité de la chose jugée, elle ne s’impose pas au juge du fond saisi aux mêmes fins, V. effectivement Civ. 3e, 9 janv. 1991, Bull. civ. III, n° 15 ; JCP 1991, II, n° 21729, note Lévy ; 12 oct. 1994, Bull. civ. III, n° 174 ; D. 1994. IR. 250 ; 6 mars 1996, Bull. civ. III, n° 62 ; D. 1996. IR. 102 ; RDI 1997. 144, obs. Derruppé).
La Cour de Cassation a censuré cette décision, au visa de l’article L. 145-41 du code de commerce, au motif qu’il ne peut être octroyé de nouveaux délais dès lors que la première échéance n’a pas été honorée.
Une jursiprudence constante allait dans ce sens (constatant que les délais octroyés par l’ordonnance de référé ayant suspendu la réalisation de la clause résolutoire n’avaient pas été respectés, la cour d’appel, saisie au fond, ne pouvait accorder de nouveaux délais, Civ. 3e, 2 avr. 2003, Bull. civ. III, n° 77 ; D. 2003. AJ. 1366, obs. Rouquet ; AJDI 2003. 583, obs. Blatter ; 19 mars 2003, AJDI 2003. 582, obs. Dumont ; V. aussi Civ. 3e, 23 avr. 1986, Rev. loyers 1986. 266 ; Civ. 3e, 14 oct. 1992, Bull. civ. III, n° 271 ; Caen, 30 mars 2006, JCP 2007. IV. 1892).
Et elle semble devoir être approuvée, compte tenu du jeu automatique de la clause résolutoire en cas de manquement du débiteur (jugeant que la clause se trouve acquise au bailleur dès qu’un des versements prévus n’a pas été effectué à l’échéance fixée, V., not. Com. 12 mai 1992, RJDA 1992, n° 810 ; Civ. 3e, 16 janv. 2002, AJDI 2002. 208, obs. Dumont ; 10 juill. 2007, Rev. loyers 2007. 400).
Il ne faut en effet pas confondre « autorité de la chose jugée »et »force de chose jugée » : si l’ordonnance de référé est dépourvue de la première, dès lors qu’elle est définitive, elle acquiert la seconde (jugeant que, même si elle n’a pas autorité de la chose jugée au principal, l’ordonnance de référé est passée en force de chose jugée ; les délais ayant été définitivement déterminés par cette décision, le juge du fond ne peut revenir sur les exigences posées par le juge des référés pour écarter l’acquisition de la clause résolutoire, V. Paris, 14 mars 2005, Loyers et copr. 2005, n° 158, obs. Brault).