Un commerçant concurrent dispose-t-il d’un intérêt et d’une qualité à agir contre le permis de construire ?
La question est relativement classique, tant il est tentant, lorsqu’un concurrent vient s’installer près d’un commerce et demande pour cela un permis de construire, de s’opposer à ce permis de construire pour éviter de subir la concurrence future de ce commerçant.
Dans le cas jugé par le Conseil d’Etat le 17 mars 2011, la concurrence opposait une société propriétaire d’un supermarché et celle qui venait d’obtenir un permis de construire pour un magasin discount de grande marque.
La société déjà installée avait obtenu du juge des référés qu’il suspende le permis de construire qui avait été accordé, et le juge des référés avait considéré qu’elle avait intérêt et qualité à agir.
Le Conseil d’Etat ne partage pas cette opinion, et juge que « en dehors du cas où les caractéristiques de la construction envisagée sont de nature à affecter par elles-mêmes les conditions d’exploitation d’un établissement commercial, ce dernier ne justifie pas d’un intérêt à contester devant le juge de l’excès de pouvoir un permis de construire délivré à une entreprise concurrente, même située à proximité« .
Ainsi, pour reconnaître l’intérêt de la société requérante à demander l’annulation pour excès de pouvoir de l’arrêté du maire du Vigan du 3 avril 2009 délivrant à la SOCIETE L…… un permis de construire pour l’édification d’un bâtiment à usage commercial sur le territoire de cette commune, en se fondant, sur l’importance du projet ainsi que sur la distance séparant le terrain d’assiette du projet litigieux du site sur lequel est implantée la société demanderesse, ce juge a entaché son ordonnance d’une erreur de droit ; que, sans qu’il soit besoin d’examiner les autres moyens des pourvois, l’ordonnance attaquée doit, dès lors, être annulée;
Considérant qu’il résulte de ce qui a été dit ci-dessus que la société requérante ne justifie d’aucun autre intérêt que celui tiré de la concurrence commerciale avec la SOCIETE L…… ; qu’à cet égard, il ne ressort pas des pièces du dossier que l’accroissement du flux de circulation induit par la nouvelle construction soit, eu égard à la localisation respective du site retenu pour le projet et de l’implantation actuelle de la société Distribution Viganaise, de nature à affecter les conditions d’exploitation de son commerce ; qu’il suit de là que cette société ne justifie pas d’un intérêt lui donnant qualité pour demander la suspension de l’exécution de l’arrêté du 3 avril 2009 délivrant à la SOCIETE L….. un permis de construire ; que sa demande doit, dès lors, être rejetée.
On notera que le Conseil d’Etat avait déjà jugé dans des termes similaires cette question, dans le cadre d’un recours engagé par une société spécialisée dans la restauration rapide contre l’un de ses concurrents(V sur ce point: voyez sur ce point Conseil d’Etat 22 février 2002 n°216088).
Enfin, il convient de rappeler qu’en l’absence de décision suspendant le permis de construire, le bénéficiaire peut réaliser les travaux. Ensuite, si ces derniers sont terminés et les locaux exploités, les juridictions répugnent à ordonner la destruction.