En matière de baux commerciaux, pour la régularisation des charges, l’article R 145-36 du code de commerce ne prévoyant pas de sanction en cas de régularisation tardive des charges, même si elles augmentent fortement, le preneur doit être condamné à régler les sommes dues au Bailleur.
Pour mémoire, l’article R 145-36 du Code de Commerce prévoit que la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l’année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l’exercice annuel.
De plus, sur demande, le bailleur communique au locataire tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.
Récemment, la jurisprudence a considéré que l’absence de régularisation des charges annuel d’un bail commercial rend sans cause les appels de provision à valoir sur le paiement de charges et le Bailleur doit rembourser le Preneur des provisions de charges versées. (Cour d’appel, Paris, Pôle 1, chambre 3, 1 Juin 2022 n°21/21144)
Par acte sous seing privé en date du 24 mai 2016, la société LM a donné à bail
commercial à la société AMVI un local à usage d’entrepôt pour une durée de neuf ans moyennant un loyer annuel en principal de 27.300 euros, taxes et charges en sus, payables mensuellement et à terme échoir.
Par acte authentique en date du 14 décembre 2018, la société E a acquis de la société LM l’ensemble immobilier dans lequel se trouvent les locaux loués par la société AMVI.
Le 26 février 2020, la société E a fait délivrer un premier commandement de payer
visant la clause résolutoire à la société AMVI pour un montant de 13.009,86 euros au titre des loyers et charges impayés.
Le 29 octobre 2021, la société E a fait délivrer un second commandement de payer visant la clause résolutoire à la société AMVI pour un montant de 60.170,00 euros dont 59.830,31 euros, au titre des loyers et charges impayés au 4 octobre 2021.
Par actes d’huissier de justice en date du 22 novembre 2021, la société E a fait assigner en référé la société AMVI et la Banque Populaire Rives de Paris devant le tribunal judiciaire en paiement des sommes dues et notamment des charges.
Le premier juge a considéré que si l’obligation de paiement des loyers et charges de la société AMVI n’est pas sérieusement contestable, le décompte et les pièces produites par la société bailleresse ne permettent pas de déterminer le montant non contestable de la somme due par la société locataire.
Interjetant appel de la décision, la cour d’appel considère alors qu’à la lecture du bail, il n’apparaît donc pas discutable qu’en sus des charges afférentes à ses propres locaux, le preneur est redevable des charges afférentes aux parties communes de l’immeuble, telles que les charges d’entretien, la consommation de gaz, d’électricité et d’eau relatives aux parties communes. La contestation tenant au fait que la société locataire possède son propre compteur EDF et que ses locaux ne sont pas alimentés en gaz n’est donc donc pas sérieuse, ces charges étant également dues au titre des parties communes, de même que les charges d’eau.
Si l’augmentation subite des charges est avérée à la lecture du décompte détaillé de la dette locative (pièce 8), les provisions sur charges étant passées de 403,30 euros à 840 euros en mai 2020 puis à 1671,33 euros en décembre 2021, des montants de charges dites Fluides (eau gaz électricité) apparaissant en outre en mai 2020, ces augmentations sont clairement expliquées par le bailleur qui expose avoir acquis l’immeuble le 14 décembre 2018 ; que durant l’année 2019, n’ayant pas encore une connaissance fine du fonctionnement de l’immeuble et de son budget annuel, il a continué à facturer la provision sur charges mensuelle qui était facturée par l’ancien propriétaire, soit 403,30 euros ; qu’au cours du premier trimestre 2020, il a procédé à la régularisation 2019 et a constaté que la provision réclamée aux locataires de l’immeuble était très inférieure aux dépenses réelles engagées, découvrant que le propriétaire précédent, la société LM, n’avait jamais en réalité actualisé les provisions de charges facturées au regard du budget réel de l’immeuble et ne facturait
pas au preneur les fuides (eau, gaz et électricité) des parties communes.
La société E justifie précisément des catégories de charges locatives et du montant
de ces charges qu’elle impute au compte de son locataire par la production des documents justificatifs.
Le fait que tous ces documents justificatifs n’ont pas été adressés dans le délai prévu à l’article R 145-36 du code de commerce ne constitue pas une contestation sérieuse alors que le texte ne prévoit pas de sanction particulière, notamment que la créance tardivement justifiée ne serait pas exigible.
La Cour d’appel condamne ainsi le preneur à régler l’intégralité des charges, impôts, taxes et redevances.
Enseignement: même une régularisation tardive, dans la limite de la prescription quinquennale, permet de recouvrer les charges, impôts, taxes et redevances exigibles.
Cour d’appel de Paris, Pôle1, Chambre 2, 24 novembre 2022 n°22/09311