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Publié le 31 Mai 2015

Acquisition de clause résolutoire et obligation de délivrance du bailleur

La constatation de l’acquisition de la clause résolutoire par le juge des référés n’interdit pas au preneur de demander au fond la résolution du bail. Ayant constaté qu’un arrêté municipal avait ordonné la fermeture immédiate de l’établissement, et exactement retenu qu’en concluant un bail pour un local commercial situé dans cet établissement qui ne répondait pas aux exigences administratives et faisant l’objet d’une décision de fermeture la bailleresse avait manqué à son obligation de délivrance, la cour d’appel en a déduit à bon droit que ce bail devait être résolu.

Cette décision de rejet comporte néanmoins un indéniable intérêt pratique, car elle permet de balayer, à travers le sort des trois moyens de cassation, des situations devenues courantes, mais dans lesquelles on constate une certaine hésitation des justiciables, sur la recevabilité de l’action, sur son bien-fondé au vu du fondement choisi et, enfin, sur l’étendue de l’indemnisation corrélative.

La cour d’appel d’Aix-en-Provence, statuant sur la demande en nullité du bail alléguée par le locataire victime d’une fermeture administrative, prononce sa résolution (sic) en retenant un manquement évident du bailleur à son obligation de délivrance et octroie 50 000 € de dommages-intérêts pour perte du fonds de commerce sans compensation avec une indemnité d’occupation. C’est cette solution que valide la haute juridiction en rappelant succinctement les trois principes servant de soutien à la décision d’appel, et contestés par les trois moyens de cassation du bailleur, demandeur à la cassation, tous rejetés.

Premièrement, sur la recevabilité de l’action au fond postérieure à l’acquisition de la clause résolutoire qualifiée d’« opposition à commandement », il est constant que l’ordonnance de référé n’ayant pas autorité de chose jugée au principal – aux termes clairs de l’article 488 du code de procédure civile -, rien n’interdit au justiciable d’en contrarier les effets en saisissant ensuite ou concomitamment la juridiction de fond (Civ. 3e, 9 janv. 1991, n° 90-10.127), mais encore faut-il que ce soit aux mêmes fins.

En effet, le locataire est sans droit au bail si, dans une instance ayant un objet différent, l’ordonnance de référé déclarant acquise la clause résolutoire est devenue définitive (Civ. 3e, 9 janv. 1991, n° 89-13.790).

On a vu, ici, que tel était le cas, mais la Cour de cassation ne retient pas sa propre jurisprudence, en dépit du fait que les impayés de loyer constituent un objet distinct de l’impropriété des lieux loués à leur destination, car – à tort – le pourvoi n’a pas articulé ainsi son premier moyen.

Deuxièmement, quel que soit le contenu de la convention et même si l’état d’entretien du local relève de la liberté contractuelle en matière statutaire, il convient que les locaux demeurent aptes (dans le temps et non seulement lors de la souscription du bail, car c’est une obligation continue) à l’usage auquel ils sont destinés, le bailleur restant tenu d’une obligation de délivrance permanente.

La cour d’appel a donc « exactement retenu » que le bail devait être résolu dès lors que le local commercial ne répondait pas aux exigences administratives et avait fait l’objet pour cette raison d’une fermeture administrative.

Rappelons toutefois que la question d’imputabilité se pose en toute hypothèse, mais la Cour suprême reste attentive pour contrôler la notion de délivrance, après avoir d’abord timidement affirmé que les travaux rendus nécessaires par la mise en conformité avec les normes administratives doivent être supportés par le bailleur sauf clause contraire explicite.

Troisièmement, se posait la question de l’indemnisation du preneur victime de la perte de son fonds de commerce. Le pourvoi faisait apparaître que, dès lors que, pour échapper à la restitution réclamée de toutes les sommes versées depuis l’origine, le bailleur opposait au locataire qu’il était redevable d’une indemnité d’occupation pour contrepartie de sa jouissance effective des lieux jusqu’à la résolution, il s’en déduisait qu’il fallait replacer les parties dans l’état où elles se trouvaient avant la conclusion du bail puisque ce dernier n’était pas censé avoir existé.

Mais la Cour de cassation, comme toujours lorsqu’il lui est demandé de revenir sur le quantum d’une condamnation indemnitaire, se refuse à intervenir et trouve une échappatoire en jugeant, d’une part, que traditionnellement la valeur d’un fonds ne peut être inférieure à celle du simple droit au bail et que, d’autre part, les conclusions du bailleur débiteur de la supposée indemnité d’occupation étaient lacunaires, de sorte qu’elle rejette également ce troisième moyen de cassation.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 02 décembre 2014 n° 13-23019

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