En cas de contournement d’un agent immobilier qui a présenté un acquéreur et un vendeur d’un fonds de commerce, le mandant est tenu au paiement de la pénalité prévue dans la clause pénale, au titre du mandat, et l’acheteur, au titre de sa responsabilité délictuelle, à raison du dommage causé par sa faute, à savoir la privation du droit à commission de l’ agent.
Principes juridiques applicables
L’article 1103 du Code civil rappelle que les contrats tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. En parallèle, l’article 1240 du Code civil dispose que tout fait de l’homme causant un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
De manière constante, la jurisprudence considère que :
- L’agent privé de sa commission doit être indemnisé, d’une part, par l’acquéreur car les parties ont déclaré faussement ne pas avoir été mis en relation avec l’agent immobilier, et d’autre part, par le vendeur qui ne l’a pas informé l’agent immobilier de l’identité de l’acquéreur. 90% de l’indemnité est à verser par l’acquéreur. (Cour d’appel, Versailles, 3e chambre, 5 Octobre 2023 n°21/04692)
- Le bailleur et le preneur doivent être condamnés solidairement au paiement de la clause pénale pour avoir contracté entre eux sans avoir rémunéré l’agent immobilier qui les avait présentés. (Cour d’appel, Paris, Pôle 4, chambre 1, 11 Septembre 2020 n°17/00676)
- A défaut de respecter l’obligation lui interdisant de traiter directement avec une personne ayant été présenté par l’agent immobilier, ce dernier a droit au bénéfice de la clause pénale. (Cour d’appel de Bordeaux, 1ère chambre civile, 1er juillet 2020, RG n°18/02358)
- Même en présence d’un mandat non exclusif, les acquéreurs mettant en place des stratagèmes pour obtenir la conclusion de la vente avec un autre intermédiaire que celui qui leur avait fait connaître le bien, pour une commission moindre doivent être condamnés à indemniser le préjudice subi par la première agence. (Cour d’appel de Douai, Chambre 1, section 1, 30 Octobre 2014 n° 14/00056)
Les faits de l’affaire
Un mandat de vente non exclusif portant sur un fonds de commerce de restaurant avait été confié à une agence immobilière, avec une commission à la charge de l’acquéreur.
Par ailleurs, l’article XV du mandat de vente sans exclusivité du 30 novembre 2016 stipule que le mandant doit informer immédiatement l’agence de toute vente conclue sans son concours, en précisant les détails de la transaction, y compris le prix et l’identité des parties, et ce pendant la durée du mandat et jusqu’à deux ans après son expiration.
La vente a été réalisée sans l’intervention formelle de l’agence, mais celle-ci avait néanmoins fourni des informations essentielles à l’acheteur et au vendeur (bail, bilans, informations sur l’acheteur).
Or, ni le vendeur ni l’acheteur ne prouvent qu’ils se connaissaient avant l’intervention de l’agence ou qu’une autre agence était intervenue. De plus, le vendeur a délibérément trompé l’agent immobilier en prétendant que la vente avait eu lieu par le biais d’une autre agence.
La décision de justice
Les juges ont constaté l’existence d’une manœuvre frauduleuse destinée à évincer l’agent immobilier et à éluder le paiement de la commission de 10 % du prix de vente, soit 30 000 euros.
- Le vendeur est tenu d’exécuter la clause pénale prévue dans le mandat.
- L’acheteur, quant à lui, engage sa responsabilité délictuelle pour avoir participé à cette fraude, causant un préjudice à l’agent immobilier.
Condamnation des parties
En conséquence, vendeur et acheteur sont condamnés in solidum à verser 30 000 euros à l’agence immobilière, correspondant au montant de la commission frauduleusement éludée.
Cour d’appel, Bordeaux, 4e chambre commerciale, 13 Février 2024 n° 22/00376