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Publié le 25 Mar 2018

Application du lissage de 10% : débrouillez-vous…!

En cas de fixation du loyer du bail commercial renouvelé à la valeur locative/déplafonné, pour l’application du lissage de 10% , la Cour de Cassation considère qu’il appartient aux parties et non au juge des loyers commerciaux d’arrêter le lissage des loyers qui sera applicable entre elles durant la période au cours de laquelle s’applique l’étalement de la hausse du loyer.

Alors que les praticiens et professionnels de l’immobilier attendaient du monde judiciaire de l’éclairer sur les modalités d’application du lissage et son adéquation avec l’indexation, sans oublier les incertitudes liées à la rédaction du texte, la Cour de Cassation renvoie les parties à leur responsabilité et ouvre la voie à l’existence de nombreux contentieux quand aux modalités d’application.

Faisons le point.

La loi Pinel a instauré un nouveau mécanisme pour limiter les effets de l’augmentation des loyers lors de sa fixation à la valeur locative et notamment lors de la fixation du loyer du bail renouvelé que les praticiens appellent « plafonnement du déplafonnement » ou « lissage ».

En effet, l’article L.145-34 alinéa 4 du Code de commerce dispose que:

« En cas de modification notable des éléments mentionnés aux 1° à 4° de l’article L.145-33, ou s’il est fait exception aux règles du plafonnement par suite d’une clause du contrat relative à la durée du bail, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l’année précédente ».

Les questions qui se posent sur l’application de cet article sont les suivantes:

  • le terme « loyer acquitté » veut-il dire qu’il s’agit du loyer payé ou du loyer exigible ?
  • Que doit-ont comprendre par« l’année précédente »: est-ce l’année civile ou les douze mois calendaires précédents ?
  • Comment s’applique le mécanisme de l’indexation au regard du lissage ?

Le juge des loyers commerciaux du Tribunal de Grande Instance de Dieppe a formulé une demande d’avis le 4 décembre 2017 en ces termes:

Les dispositions de l’article L. 145-34 du code de commerce (…):

  • donnent-elles uniquement compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail, les parties s’accordant ensuite librement pour définir les modalités d’application du taux d’augmentation une année sur l’autre, laquelle peut ne pas être de 10 % chaque année (l’article L. 145-34 évoquant un plafond de 10 % mais n’interdisant pas des augmentations comprises entre 0,1 % et 10 %) ?
  • – donnent-elles uniquement compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné à la date du renouvellement du bail, les augmentations ultérieures s’effectuant automatiquement par paliers de 10 % jusqu’à épuisement du loyer plafonné sans discussion possible entre les parties ?
  • – donnent-elles compétence au juge des loyers commerciaux pour fixer le montant du loyer déplafonné non seulement à la date du renouvellement du bail, mais également dans le cadre d’un échéancier pour chacune des neuf années suivant ce renouvellement du bail en faisant application d’un taux annuel de progression de 10 % automatiquement ou de moins de 10 % le cas échéant ? » ;

Voici la réponse de la Cour de Cassation:

1- Le juge des loyers ne fixe pas l’échéancier du lissage

« Il revient aux parties, et non au juge des loyers commerciaux dont la compétence est limitée aux contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé, d’établir l’échéancier de l’augmentation progressive du loyer que le bailleur est en droit de percevoir. »

En d’autres termes, le juge des loyers commerciaux n’est pas compétent pour fixer l’échéancier, mais qu’en est-il du Tribunal de Grande Instance qui en application de l’article R 145-23 du Code de Commerce peut statuer sur tous les sujets autres que la fixation du loyer.

2- Notion de « loyer acquitté » et limite d’application du lissage

A la seconde question, la Cour de Cassation indique que « L’étalement prévu par le texte s’opère annuellement par l’application d’un taux qui doit être égal à 10 % du loyer de l’année précédente, sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux. »

Ici, la Cour de cassation fait référence au loyer « acquitté » comme celui de l’année précédente. Cela permet enfin de lever l’incertitude sur la notion de loyer acquitté. Les puristes tenteront de contester ou pas….

Concernant la majoration de 10% annuelle, la Cour de Cassation précise qu’elle s’applique sauf sauf lorsque la différence entre la valeur locative restant à atteindre et le loyer de cette année est inférieure à ce taux. Ainsi, s’i pour atteindre la valeur lotcative, il faut par exemple seulement procéder à une augmentation de 7,5% la dernière fois alors c’est la proportion qu’il conviendra de retenir.

3- Le Lissage/ plafonnement du déplafonnement n’est pas d’ordre public

Enfin, la Cour de cassation rassure les praticiens et clôture définitivement la discussion en soulignant que « l’étalement n’étant pas d’ordre public, les parties peuvent convenir de ne pas l’appliquer ».

En effet, ni l’article L 145-15, ni l’article L 145-16 qui visent expressément les dispositions d’ordre public ne visent l’article L.145-34 du Code de commerce.

En conséquence, il est possible de déroger contractuellement au lissage, ce que les praticiens font dans la grande majorité des cas.

Sur ce point au moins, ils seront rassurés.

Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 9 mars 2018 n°17-70040

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