Le bailleur qui délivre un congé pour vendre s’interdit de changer d’avis et de vendre son bien occupé avant l’expiration des deux premiers mois du délai de préavis.
Il peut aller de l’intérêt bien compris du propriétaire bailleur d’anticiper un tant soit peu la délivrance de son congé. Ce, ne serait-ce pour pallier les conséquences d’une lettre recommandée non réceptionnée (précisant que la date à prendre en compte pour la délivrance d’un congé est celle de la remise de la lettre recommandée avec demande d’avis de réception à son destinataire, V. Civ. 3e, 2 févr. 2005, Bull. civ. III, n° 26) et avoir le temps matériel de recourir aux services d’un huissier.
Agir trop prématurément recèle toutefois des dangers, puisque les effets du congé seront repoussés à la date pour laquelle il aurait dû être donné (Civ. 3e 10 janv. 2007, Bull. civ. III, n° 1).
Cela vaut spécialement en matière de congé pour vendre, eu égard à l’allongement de la durée l’offre de vente jusqu’à l’expiration des deux premiers mois du délai de préavis qui s’ensuit .
Cet allongement n’étant, en toute hypothèse, favorable qu’au locataire.
Une démarche anticipée peut en effet s’avérer dommageable lorsque le marché est haussier, le bailleur restant lié par une offre qui, lorsqu’elle est acceptée par son cocontractant, se situe en dessous du marché.
La manoeuvre peut également être dangereuse ou, à tout le moins, source de complications, lorsque le marché est orienté à la baisse : puisque, par hypothèse, le prix proposé au locataire sera surcoté, celui-ci ne lèvera pas l’option. Revoyant ses prétentions à la baisse, le bailleur (ou son notaire) ne devra pas, lorsqu’il aura trouvé un acquéreur, oublier le jeu de l’article 15-II (al. 4 s.) de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, instaurant un second droit de préemption en cas de vente à des conditions ou à un prix plus avantageux.
Par ailleurs, l’offre devant être maintenue entre la délivrance du congé et l’expiration du deuxième mois du délai légal de préavis, le bailleur ne peut changer de stratégie patrimoniale en cours de route.
Tel est, dans l’arrêt rapporté, l’enseignement qu’un bailleur a appris à ses dépens.
Au cas particulier, après avoir délivré congé onze mois avant l’échéance contractuelle, il avait, un peu plus de deux mois plus tard, vendu son bien occupé croyant par erreur que la purge du droit de préemption de son locataire était intervenue deux mois après réception du congé.
La haute cour donne tort au juge du fond pour avoir rejeté la demande du locataire de se voir déclaré acquéreur du bien, au motif que le propriétaire est lié par son offre de vente jusqu’à l’expiration des deux premiers mois du délai de préavis.
En définitive, la seule planche de salut du bailleur aurait pu consister en une rétractation de son congé, acceptée par le locataire .
En concusion, rien ne sert de notifier trop tôt, il faut notifier à point…….
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 19 mai 2010 n° 09-13474