Saisie d’un recours formé par le bailleur contre une ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession d’un droit au bail commercial, la cour d’appel, qui statue dans les limites des pouvoirs que ce juge tient de l’article L. 642-19 du code de commerce, n’a pas le pouvoir d’apprécier le caractère abusif du refus du bailleur d’agréer le cessionnaire
1. Rappel des textes légaux et de la jurisprudence
L’article L. 642-12 du Code de Commerce précise que la cession du bail commercial intervient dans les conditions prévues au bail, tel que l’agrément du bailleur qui peut s’en prévaloir (Cass. com., 19 avr. 2023, n° 21-20.655).
L’article L. 642-19 du Code de commerce indique que le juge-commissaire « autorise » la cession de gré à gré, il faut en réalité comprendre qu’il l’ordonne : la vente est parfaite dès son ordonnance, sous la condition suspensive que la décision acquière force de chose jugée (Cass. com., 7 sept. 2010, n° 09-66.284).
Ainsi, le juge commissaire doit ériger l’accord du bailleur en condition suspensive de la cession, et ne pas se contenter d’autoriser le liquidateur à céder le bail en lui laissant le soin d’en respecter les conditions.
2. Rappel des faits
En l’espèce, par une ordonnance du 28 décembre 2022, le juge-commissaire a autorisé la cession au profit de M. [S] ou de toute société dont M. [S] serait l’associé majoritaire, des éléments d’actifs du fonds de commerce dépendant de la liquidation judiciaire de la société débitrice, dont le droit au bail, sans réserver l’agrément du bailleur prévu au contrat de bail.
Se plaignant d’une violation de la clause d’agrément, le bailleur a formé un recours contre cette ordonnance. C’est en vain que le liquidateur de la société débitrice et le cessionnaire font grief à l’arrêt de rejeter la demande de cession du droit au bail du local commercial.
3. Analyse critique de la Cour de cassation
La Cour de Cassation rappelle qu’il résulte de l’article L. 642-19 du Code de commerce que, saisie du recours formé contre une ordonnance du juge-commissaire autorisant la cession du droit au bail, la cour d’appel, qui statue dans les limites des pouvoirs que ce juge tient du texte précité, n’a pas le pouvoir d’apprécier le caractère abusif du refus du bailleur d’agréer le cessionnaire invoqué au soutien d’une demande de dommages et intérêts.
Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués, dans les conditions prévues par les articles 620, alinéa 1er , et 1015 du Code de procédure civile, la décision se trouve légalement justifiée.
L’arrêt du 15 janvier est l’occasion de rappeler la chronologie des opérations lorsque le contrat exige l’agrément du bailleur :
- le juge-commissaire doit autoriser la cession sous condition de cet agrément,
- à charge ensuite pour le liquidateur de l’obtenir
- et le cas échéant de contester son refus devant le juge compétent.