La résiliation des baux commerciaux des bailleurs d’un EPHAD, intervenue aux dates d’échéance et la décision de la locataire de transférer son activité dans un autre établissement, ne sont pas fautives et de nature à justifier l’allocation d’une indemnité à verser aux preneurs.
Pour mémoire, les articles 1240 et 1241 du code civil prévoient respectivement que :
- tout fait quelconque de l’homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.
- chacun est responsable du dommage qu’il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
En l’espèce, le 22 décembre 2006, la société GDP Vendôme a acquis un établissement d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (EHPAD) en vue de le soumettre au statut de la copropriété et de le revendre par lots à des investisseurs.
Le règlement de copropriété établi le 28 décembre 2006 prévoit que l’ensemble immobilier était destiné à un usage exclusif d’EHPAD et que les locaux privatifs ne pourraient être occupés que dans le respect de cette destination.
Entre décembre 2006 et décembre 2007, la société GDP Vendôme a commercialisé l’ensemble des lots, chacun des acquéreurs les donnant, le jour même des ventes, à bail commercial à la société Les Vergers de la coupée (la locataire), exploitante unique de l’établissement.
Entendant transférer son activité dans un nouvel établissement, la locataire a donné congé à l’ensemble des copropriétaires bailleurs pour les dates d’échéance des baux, s’échelonnant du 21 février 2016 au 29 décembre 2018.
Ayant libéré les lieux le 14 décembre 2017, la locataire a, jusqu’au 31 décembre 2017, payé une indemnité d’occupation aux propriétaires des lots objets de baux arrivés à échéance antérieurement à cette date.
Soutenant qu’en raison de l’obligation imposée par le règlement de copropriété de confier les locaux loués à un exploitant unique, la persistance de baux à échéance postérieure au 31 décembre 2017 rendait leurs lots indisponibles à la relocation, M. et Mme [R], Mme [I], M. et Mme [X], M. et Mme [N], M. et Mme [H], M. et Mme [B], la société Letard, la société Patrimed, la société Antropos et la société Guillaume (les bailleurs) ont, le 7 septembre 2018, assigné la locataire en paiement d’une indemnité d’occupation, et subsidiairement d’immobilisation, du 1er janvier 2018 jusqu’à la fin de tout bail liant la locataire à un ou plusieurs copropriétaires de la résidence.
Si les bailleurs ont obtenu gain de cause devant la Cour d’appel, la Cour de cassation a censuré la décision.
En effet, pour condamner la locataire au paiement d’indemnités d’immobilisation du 1er janvier au 28 décembre 2018, l’arrêt retient que le fait pour la locataire d’avoir, à compter du 31 décembre 2017, cessé tout versement d’indemnités à des bailleurs dont elle savait, qu’en raison de baux se poursuivant à son profit, ils étaient privés de toute possibilité de percevoir les fruits de leurs biens auprès d’un autre preneur, était indubitablement fautif.
Elle ajoute que, si le choix de la locataire d’exercer son activité dans d’autres locaux n’est pas lui-même remis en cause, c’est vainement que celle-ci invoque le principe de la liberté d’entreprendre, l’exercice d’une liberté fondamentale n’exonérant pas celui qui en fait usage de l’obligation d’indemniser ceux qui subissent un préjudice du fait de ce choix.
13. En se déterminant ainsi, après avoir retenu que ni la résiliation des baux, intervenue aux dates d’échéance de ceux-ci et conformément aux dispositions légales et aux stipulations contractuelles, ni la décision de la locataire de transférer son activité dans un autre établissement, n’étaient fautives, la cour d’appel, qui n’a pas caractérisé de faute de la locataire de nature à justifier l’allocation d’une indemnité réparatrice du préjudice qu’elle constatait, n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 29 Février 2024 n°21-16.755