En cas de fraude (signatures successives de baux dérogatoires), le délai légal de deux ans pour demander la requalification d’un bail dérogatoire en bail commercial n’est pas opposable.
Pour mémoire, selon l’article L. 145-5 du Code de commerce, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014-626 du 18 juin 2014, les parties peuvent, lors de l’entrée dans les lieux du preneur, déroger aux dispositions du statut du bail commercial à la condition que la durée totale du bail ou des baux successifs ne soit pas supérieure à deux ans.
Si, à l’expiration de cette durée, le preneur reste et est laissé en possession, il s’opère un nouveau bail statutaire.
Il résulte de la combinaison de l’article L. 145-60 du Code de commerce et du principe selon lequel la fraude corrompt tout que la fraude suspend le délai de prescription biennale applicable aux actions au titre d’un bail commercial.
En l’espèce, les bailleurs sont propriétaires d’un local commercial donné à bail successivement à Mme [S], aux termes d’un bail précaire conclu le 15 novembre 2011 pour une durée de vingt-trois mois, à la société Yoni, selon un bail dérogatoire conclu le 9 octobre 2013 pour une durée de vingt-trois mois, et à la société Gabi aux termes d’un bail dérogatoire conclu le 2 septembre 2015 pour une durée de trente-six mois.
Le 13 septembre 2018, les bailleurs ont délivré à la société Gabi un congé aux fins de quitter les lieux, puis, le 9 octobre 2018, une sommation de déguerpir et enfin, le 12 octobre 2018, une assignation en référé aux fins d’expulsion.
Le 5 novembre 2018, Mme [S] et la société Gabi, invoquant une fraude des bailleurs, les ont assignés en reconnaissance d’un bail commercial au profit de Mme [S] et en indemnisation de leur préjudice.
Pour déclarer prescrite l’action des deux locataires en requalification des baux conclus les 15 novembre 2011 et 9 octobre 2013, l’arrêt retient qu’elle a été engagée plus de cinq années après la conclusion de ces contrats.
En se déterminant ainsi, sans rechercher, comme il le lui était demandé, si les fraudes, dont l’existence était invoquée, n’étaient pas de nature à suspendre le délai de prescription, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 30 Mai 2024 n° 23-10.184