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Publié le 9 Mar 2025

Bail commercial : Droit d’option du bailleur et indemnité d’occupation

Lorsqu’un bailleur, après avoir initialement accepté le renouvellement d’un bail commercial, exerce finalement son droit d’option pour refuser ce renouvellement tout en versant une indemnité d’éviction, le locataire devient redevable d’une indemnité d’occupation. Cette indemnité, équivalente à la valeur locative des lieux, se substitue rétroactivement au loyer dû à compter de la date d’expiration du bail initial, même si le bailleur avait d’abord accepté le renouvellement.


1. Rappel des règles de droit

L’indemnité d’occupation après l’exercice du droit d’option

L’article L. 145-57, alinéa 2 du Code de commerce prévoit que si le bailleur refuse le renouvellement du bail après une décision de justice sur le prix, le locataire peut soit renoncer au renouvellement, soit se maintenir dans les lieux en attente du paiement de l’indemnité d’éviction.

L’article L. 145-28, alinéa 1er du Code de commerce précise que si le locataire reste dans les lieux après l’expiration du bail, il doit payer une indemnité d’occupation, qui est distincte du loyer et qui, sauf accord contraire, correspond à la valeur locative des locaux, déterminée selon les critères de l’article L. 145-33 du Code de commerce.

Ainsi, lorsque le bailleur exerce son droit d’option, l’indemnité d’occupation due par le locataire remplace rétroactivement le loyer à compter de la fin du bail initial, et non à partir du jour où le droit d’option est exercé.


2. Rappel de la jurisprudence

La jurisprudence considère que :

  • lorsqu’une partie exerce le droit d’option de l’article L145-57 du Code de commerce et renonce au renouvellement du bail commercial le locataire doit, rétroactivement depuis la date à laquelle le bail a pris fin, une indemnité d’occupation dont le montant doit correspondre à a valeur locative, à défaut de convention contraire (Civ 3ème 3 oct 2007 n° 06-17.766), indemnité qui se substitue de plein droit au loyer.
  • lorsque le preneur exerce l’option, il renonce au renouvellement et doit quitter les locaux. L’indemnité est donc de nature statutaire et doit être fixée à la valeur locative entre la fin du bail et l’exercice de l’option, puis elle devient une indemnité « de droit commun » entre la date d’exercice de l’option et le départ du locataire (Civ. 3ème, 16 mars 2023 n°21-19.707)
  • Lorsque le bailleur exerce l’option, la situation est différente puisque l’option ne rend pas le locataire sans droit ni titre. Le bailleur doit l’indemnité d’éviction et le locataire a droit légal au maintien dans les lieux jusqu’à ce que cette indemnité soit fixée. L’indemnité d’occupation due par le locataire est donc statutaire et demeure de même nature entre la fin du bail et l’option, d’une part, et après l’option, d’autre part, puisque le locataire a encore droit au maintien dans les lieux. Elle doit être fixée à la valeur locative, qui doit ici tenir compte d’un abattement de précarité au vu de l’éviction.
  • Dans un cas comme dans l’autre, il est admis que l’indemnité d’occupation n’est pas soumise aux plafonnements de l’article L145-34 du Code de commerce (Civ. 3ème 17 juin 2021, n° 20-15296)

S’agissant de la date d’application de l’indemnité d’occupation lorsque le bailleur exerce sont droit d’option, la jurisprudence considère que :

  • Depuis la date d’expiration du bail, le locataire doit une indemnité d’occupation jusqu’à son départ effectif. Cette indemnité est due dès la fin du bail, et non seulement à compter de la notification du droit d’option par le bailleur (Cour de cassation, 3e civ., 7 novembre 1984, n° 83-13.550).
  • Si le bailleur exerce en cours d’instance son droit d’option, remplaçant ainsi son acceptation initiale du renouvellement par un refus, l’indemnité d’occupation est due dès l’expiration du bail et non à partir de la date de notification du droit d’option (Cour de Cassation, 3e civ., 18 janvier 2011, n° 09-68.298).

3. Rappel des faits

Le locataire d’un local commercial appartenant à la société La Nimoise (la bailleresse) a sollicité le renouvellement de son bail commercial le 23 octobre 2014, à effet au 1er janvier 2015.

Le 7 octobre 2015, la bailleresse a demandé la fixation du prix du bail renouvelé et a saisi le juge des loyers commerciaux.

Par arrêt irrévocable du 1er décembre 2016, le loyer du nouveau bail a été fixé selon les règles du plafonnement.

Le 26 janvier 2017, la bailleresse a exercé son droit d’option, refusant le renouvellement et demandant le paiement d’une indemnité d’occupation égale à la valeur locative des locaux, avec effet au 1er janvier 2015.

Le 25 juin 2018, la locataire a assigné la bailleresse en paiement d’une indemnité d’éviction et en fixation de l’indemnité d’occupation due depuis le 1er janvier 2015 au montant du dernier loyer.


4. Décision de la Cour de cassation

La Cour d’appel a retenu que :

  • La bailleresse avait tacitement accepté le renouvellement du bail au 1er janvier 2015.
  • Elle n’a formé une demande de fixation de loyer qu’en octobre 2015.
  • Le 26 janvier 2017, la bailleresse a exercé son droit d’option et a demandé le paiement d’une indemnité d’occupation égale à la valeur locative des locaux à compter du 1er janvier 2015.
  • Le 25 juin 2018, la locataire a assigné la bailleresse en paiement d’une indemnité d’éviction et en fixation de l’indemnité d’occupation due depuis le 1er janvier 2015 au montant du dernier loyer.

Pour rejeter la demande de la bailleresse tendant à la fixation d’une indemnité d’occupation selon la valeur locative pour la période du 1er janvier au 31 décembre 2015 et ne retenir cette valeur qu’à compter du 1er janvier 2016, la Cour d’appel relève que la bailleresse a accepté tacitement le principe du renouvellement du bail à compter du 1er janvier 2015 et n’a formé une demande de nouveau prix que le 7 octobre 2015, et que sa demande de fixation de l’indemnité d’occupation à un autre montant que le loyer ne peut donc être accueillie qu’à compter du 1er janvier 2016,

La Cour de cassation censure cette décision et rappelle que :

  • L’indemnité d’occupation se substitue rétroactivement au loyer dès la date d’expiration du bail initial, et non à compter de la notification du droit d’option.

Conclusion

  • L’indemnité d’occupation due après un droit d’option remplace rétroactivement le loyer dès la fin du bail initial, même si le bailleur avait initialement accepté son renouvellement.
  • Il est crucial pour le locataire de bien anticiper les conséquences d’un maintien dans les lieux, notamment en cas de revirement du bailleur sur le renouvellement.
  • Pour le bailleur, cet arrêt confirme qu’il est possible d’exiger une indemnité d’occupation correspondant à la valeur locative dès l’expiration du bail.

📌 Cour de cassation, 3e chambre civile, 27 Février 2025 – n° 23-18.219

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