Un contrat de bail en l’état futur d’achèvement avec option d’achat encourt l’annulation s’il est qualifié de marché de travaux, les loyers étant alors regardés comme des paiements différés prohibés par les textes de la commande publique.
En l’espèce, le centre hospitalier Alpes-Isère a conclu le 31 août 2017 avec la société civile immobilière Victor Hugo 21 un » bail en l’état futur d’achèvement « , qui prévoyait la location au centre hospitalier de deux bâtiments existants après l’aménagement de l’un d’eux ainsi que d’un nouveau bâtiment à construire, pour une durée de quinze ans, avec une option d’achat après la douzième année.
Après l’achèvement des travaux, le centre hospitalier s’est toutefois abstenu de prendre possession des locaux, a suspendu le paiement des loyers, puis a saisi le tribunal administratif de Grenoble d’une action en contestation de la validité de ce contrat dont il a demandé l’annulation ou, à titre subsidiaire, la résiliation.
Si le Tribunal administratif a rejeté la demande, la Cour d’appel a infirmé la décision et a prononcé la nullité dudit bail.
Le Conseil d’Etat valide cette décision sur deux motifs principaux :
- d’une part, le contrat par lequel un pouvoir adjudicateur prend à bail ou acquiert des biens immobiliers qui doivent faire l’objet de travaux à la charge de son cocontractant constitue un marché de travaux au sens des dispositions précitées des articles 4 et 5 de l’ordonnance du 23 juillet 2015 (articles L1111-1, L 1111-2 et L 2512-5 de la Commande publique);
- d’autre part, l’insertion de toute clause de paiement différé (tel un surloyer) est interdite dans les marchés publics passés par l’Etat, ses établissements publics, les collectivités territoriales et leurs établissements publics (article L 2191-5 de la Commande publique).
En effet, il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond, en particulier du contrat en litige, de la notice descriptive sommaire et du cahier des prestations techniques d’aménagement et de livraison qui lui sont annexés, ainsi que de la lettre du 18 mai 2017 que le centre hospitalier a adressé à France domaine, que tant l’aménagement du bâtiment existant A que la construction et l’aménagement du nouveau bâtiment C répondent aux besoins exprimés par le centre hospitalier.
De plus, en vertu du contrat en litige, les travaux d’aménagement du bâtiment A et de construction du bâtiment C étaient rémunérés par le centre hospitalier, non par le versement immédiat d’un prix, mais par le versement de loyers ainsi que de » surloyers » d’un montant annuel de 31 852,80 euros pendant une durée de dix ans à compter de la livraison du bâtiment C.
Par suite, après avoir requalifié le contrat en litige en marché public de travaux ainsi qu’il a été dit au point 4, la cour n’a pas commis d’erreur de droit en jugeant qu’une telle clause prévoyant ces versements, qui constituaient des paiements différés, était prohibée dans les marchés publics passés par les établissements publics de santé.
En conséquence, la clause de paiement différé mentionnée étant indivisible du reste du contrat, le contenu du contrat présentait donc un caractère illicite et qu’un tel vice justifie son annulation.
Le bailleur est alors condamné à rembourser l’intégralité des loyers versés par le centre hospitalier. De plus n’ayant pas recherché la responsabilité du centre hospitalier sur un fondement quasi-délictuel, le bailleur ne peut pas utilement se prévaloir des règles d’indemnisation du cocontractant en cas de résiliation d’un contrat pour motif d’intérêt général.
DURA LEX SED LEX
Conseil d’État, 7e et 2e chambres réunies, 3 Avril 2024 n°472476