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Publié le 27 Avr 2025

Bail commercial : invalidité de l’exercice d’une nouvelle activité et acquisition de la clause résolutoire

La présente décision apporte deux enseignements, d’une part, que malgré la connaissance par le bailleur des activités réellement exercées par la locataire qui sont annexes à l’activité prévue au bail, son silence ne peut pas être interprété comme une renonciation à l’obligation contractuelle pour le preneur à obtenir du bailleur une autorisation écrite, préalable et non équivoque, et d’autre part, que la mise en œuvre de la procédure déspécialisation partielle de l’activité contredit l’existence d’un accord antérieur de la bailleresse pour l’exercice d’une activité.

En l’espèce, le 16 mars 2006, la société Garage de Châtel (la locataire) a pris à bail commercial, pour neuf années, des locaux appartenant à M. [R], aux droits duquel vient la société civile immobilière Foncière PVS (la bailleresse), pour une activité d’achat, vente et exposition de véhicules neufs et d’occasion.

En 2017, la bailleresse a notifié à la locataire son refus d’accéder à sa demande d’exercer une activité de réparation de véhicules d’occasion et vente de pièces détachées de véhicules à moteur.

Le 16 novembre 2018, elle lui a délivré, en visant la clause résolutoire, un commandement d’avoir à respecter l’article 4 du bail relatif à la destination des locaux loués ainsi qu’un autre commandement de payer diverses sommes, visant aussi la clause résolutoire.

La locataire a assigné la bailleresse en annulation de ces commandements. La bailleresse a demandé, à titre reconventionnel, que soit constatée la résiliation du bail.

C’est en vain que la locataire fait grief à l’arrêt de constater l’acquisition de la clause résolutoire et la résiliation du bail , d’ordonner son expulsion, de la condamner à payer diverses sommes.

En effet, la cour d’appel a, d’abord, constaté, d’une part, que l’article 4 du bail , intitulé « destination » des lieux loués, indiquait que le preneur « pourra y exercer une activité d’achat, de vente, exposition de tous véhicules neufs et d’occasion à moteur » et que « tout changement même temporaire dans la destination des lieux ou la nature du commerce exploité, ainsi que toutes activités annexes ou complémentaires devront recevoir l’accord exprès préalable et écrit du bailleur sous peine de résiliation du présent bail », d’autre part, que, dans une lettre du 30 septembre 2017, le gérant de la société locataire indiquait exercer dans les locaux loués l’activité d’achat, vente, exposition de tous véhicules prévue par l’article 4, et informait la bailleresse de son « intention d’exercer une autre activité consistant dans la réparation de véhicules d’occasion et la vente de pièces détachées », qu’il qualifiait de « nouvelle activité ».

Elle a, ensuite, retenu, sans dénaturation, que cette clause de destination n’autorisait que l’activité d’achat, vente et exposition de tous véhicules, et non celle de réparation et de vente de pièces détachées, qui constituait une activité distincte, et, interprétant souverainement l’attestation de mise à disposition des locaux dont se prévalait la locataire, que la bailleresse n’avait pas donné un accord clair et non équivoque à l’exercice de cette nouvelle activité.

 Elle a, enfin, pu déduire du simple silence pendant plusieurs années de la bailleresse, malgré sa connaissance des activités réellement exercées par la locataire, l’absence de renonciation claire et non équivoque à se prévaloir de l’article 4 du bail .

C’est en vain que la locataire fait grief à l’arrêt de rejeter sa demande d’annulation du commandement visant la clause résolutoire du bail en infraction à son article 4, de constater que la clause résolutoire est acquise au 16 décembre 2018, d’ordonner son expulsion et de la condamner à payer à la bailleresse une somme à titre d’indemnité d’occupation. En effet, la cour d’appel a, d’abord, constaté que le bail conclu par les parties comportait à l’article 13 une clause résolutoire.

Ayant relevé que la demande de la locataire du 30 septembre 2017 de déspécialiser partiellement son activité contredisait l’existence d’un accord antérieur de la bailleresse pour l’exercice d’une activité de réparation de véhicules et vente de pièces détachées et que la réponse négative de cette dernière était intervenue dans le délai de deux mois prévu par l’article L. 145-47 du Code de commerce, la cour d’appel, qui n’était pas tenue de suivre les parties dans le détail de leur argumentation, a souverainement retenu que le commandement n’avait pas été délivré de mauvaise foi par la bailleresse.

C’est en vain que la locataire fait grief à l’arrêt de rejeter comme sans objet sa demande d’annulation du commandement de payer visant la clause résolutoire et de la condamner à payer à la bailleresse une certaine somme au titre des intérêts de retard conventionnellement prévus dans le bail .

En effet, ayant constaté, par motifs adoptés, que l’article 9 du bail précisait qu’en cas de non-paiement à son échéance du loyer par le preneur, ou de toute autre somme due en vertu du bail , le bailleur percevrait des pénalités de retard, calculées au taux mensuel de 1 %, sans qu’il soit nécessaire d’adresser une mise en demeure quelconque, puis retenu que le bail était résilié de plein droit par l’effet de la clause résolutoire visée dans le commandement du 16 novembre 2018 fondé sur une violation de la clause de destination, et, enfin, relevé que la locataire était redevable de loyers, charges et rappels d’indexation impayés, la cour d’appel a pu en déduire que la demande d’annulation du commandement de payer du 16 novembre 2018 visant la clause résolutoire était devenue sans objet et condamner la locataire à payer des pénalités de retard.

Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 Avril 2025 – n° 23-21.473

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