En cas de congé avec refus de renouvellement d’un bail commercial sans paiement d’une indemnité d’éviction, le bailleur ne peut pas invoquer contre le cessionnaire les motifs qu’il avait évoqué contre le cédant. Le bailleur doit alors payer une indemnité d’éviction.
Jusqu’à présent, en matière de résiliation du bail commercial, la jurisprudence a considéré que:
- en cas de cession du bail commercial, le bailleur peut poursuivre l’acquisition de la clause résolutoire à l’encontre du cessionnaire du bail qui n’avait pas mis un terme au manquement contractuel litigieux (Cass. 3e civ., 30 janv. 2002, n° 00-16.284). Rien ne devait s’opposer à la transposition de cette solution à la résiliation judiciaire.
- le bailleur ne peut invoquer contre le cessionnaire d’un droit au bail des faits imputables au locataire sortant comme motifs graves et légitimes de refus de renouvellement s’agissant d’infractions commises par le cédant (Cour de cassation, Chambre civile 3, 10 Janvier 2007 n° 05-20.634)
- le bailleur ne peut pas invoquer un manquement du précédent locataire à l’encontre du cessionnaire du bail commercial, sauf si ce manquement s’est poursuivi après la cession (Cour de cassation, 3e chambre civile, 8 Octobre 2015 – n° 14-13.179).
Ainsi, la poursuite du manquement contractuel postérieurement à la cession du bail commercial expose le cessionnaire à l’acquisition de la clause résolutoire ou à la résiliation judiciaire du bail, puisque rien ne devrait s’opposer à cette dernière dans cette hypothèse.
Cependant, que se passe-t-il lorsque le manquement ne relève que du cédant et non du cessionnaire ?
En l’espèce, les différents propriétaires de lots dans une résidence de tourisme soumise au statut de la copropriété, les ont donnés à bail commercial à la société Revalis Ever, aux droits de laquelle sont venues successivement les sociétés MMV Résidences puis MMV.
Les 11 octobre et 25 novembre 2016, les bailleurs ont délivré à la société MMV Résidences des commandements de payer des loyers et charges arriérés contre lesquels la locataire a, les 10 novembre et 23 décembre 2016, formé opposition.
Les 2 février, puis 21 et 27 mars 2017, les bailleurs ont signifié à la société MMV Résidences des congés avec refus de renouvellement du bail et de paiement d’une indemnité d’éviction, pour motifs graves et légitimes.
Le 11 mai 2017, la société MMV Résidences a cédé son fonds de commerce à la société Vacancéole Méditerranée.
Les sociétés MMV Résidences et Vacancéole Méditerranée ont alors assigné les bailleurs en paiement d’une indemnité d’éviction, demande qui a été accueillie par la cour d’appel.
Le pourvoi devant la Cour de cassation a ainsi été formé par les bailleurs.
La Cour de Cassation a rejeté le pourvoi des bailleurs.
Pour elle, au titre des motifs graves et légitimes justifiant le refus de renouvellement d’un bail commercial sans paiement d’une indemnité d’éviction, le bailleur ne pouvait invoquer contre le cessionnaire de ce bail que les faits personnellement imputables à ce dernier et non ceux commis par le cédant.
Elle a encore relevé que les faits visés par les commandements des 2 février, 21 mars et 27 mars 2017 étaient essentiellement imputables à la société MMV résidences pour une période antérieure à la cession de son fonds de commerce et qu’il ne résultait pas des éléments de la procédure que la société Vacancéole Méditerranée ait commis des manquements graves justifiant un refus de renouvellement sans indemnité d’éviction.
Elle a ainsi, peu important que la délivrance des congés soit intervenue antérieurement à la cession du bail, légalement justifié sa décision selon la Cour de Cassation.
Cour de cassation, civile, Chambre civile 3, 14 décembre 2023 n°22-13.661