Une clause de non-recours, qui ne transfère pas expressément au locataire la charge de certains travaux d’entretien ou de réparation, n’a pas pour effet d’exonérer le bailleur de son obligation essentielle de délivrer un local en bon état.
1. Rappel des textes légaux et de la jurisprudence
Selon l’article 1719 du Code civil, le bailleur est tenu :
- De délivrer la chose louée en bon état de réparations de toute espèce,
- D’entretenir la chose pour qu’elle serve à l’usage convenu,
- De faire jouir paisiblement le preneur pendant toute la durée du bail.
L’article 1720 du Code civil précise que le bailleur doit effectuer toutes les réparations nécessaires (autres que locatives) pendant toute la durée du bail.
Principe fondamental : le bailleur ne peut s’exonérer de son obligation de délivrance (Civ. 1re, 11 oct. 1989, n° 88-14.439).
De plus, l’article 1720, concernant l’entretien général, n’est pas d’ordre public, et permet de mettre à la charge du locataire le remplacement des éléments d’équipements et autres travaux (Civ. 3e, 19 déc. 2019, n° 18-19.136 ; Civ. 3e, 12 juin 2001, n° 00-10.588 ; Civ. 3e, 27 mai 2003, n° 02-11.709).
2. Rappel des faits
- DoubleTrade est locataire de locaux de bureaux appartenant à la société CNP Assurances.
- En 2009, DoubleTrade assigne en référé la bailleresse pour des désordres et des infiltrations d’eau.
- Un expert judiciaire est désigné.
- En 2010, le locataire donne congé.
- En 2011, la bailleresse réclame les loyers et charges impayés, réparations locatives, et dommages-intérêts.
- En réaction, la locataire demande le remboursement partiel et l’indemnisation du préjudice de jouissance.
3. Application de la solution au cas d’espèce
La cour d’appel avait estimé que la clause de non-recours insérée dans le bail privait la locataire de toute demande d’indemnisation, y compris celle fondée sur l’obligation de délivrance.
La Cour de cassation casse l’arrêt, en considérant que :
- La clause de non-recours ne peut pas supprimer l’obligation fondamentale de délivrance du bailleur.
- Le locataire peut donc toujours agir en responsabilité contre le bailleur pour obtenir réparation des préjudices subis.
Cour de cassation, 3e chambre civile, 10 avril 2025, n° 23-14.974