Lorsque le bailleur est placé en redressement ou liquidation judiciaire, le bailleur ne peut pas, d’une part, être condamné à payer toute créance née antérieurement au jugement d’ouverture de la procédure collective, et d’autre part, voir prononcer la levée du séquestre au profit de la locataire, permettant ainsi de voir restituer au locataire l’intégralité des loyers acquittés sans contrepartie.
Clarification des règles en matière de créances et procédure collective
En droit des procédures collectives, les articles L. 622-21 et L. 622-22 du Code de commerce définissent les règles applicables aux créances et aux actions en justice. Ces dispositions visent à protéger les débiteurs en difficulté tout en permettant aux créanciers de faire valoir leurs droits dans un cadre précis. Focus sur une jurisprudence qui éclaire les limites des condamnations pécuniaires dans le cadre d’un redressement judiciaire.
1. Le cadre légal avant l’ordonnance du 15 septembre 2021
- Interruption des actions en justice selon l’article L. 622-21 :
Dans sa version antérieure à la réforme, cet article interdit toute action en justice tendant à condamner le débiteur au paiement d’une somme d’argent pour les créances non visées à l’article L. 622-17 du Code de commerce. Cela inclut les dettes contractées avant le jugement d’ouverture de la procédure collective.
- Reprise des instances en cours selon l’article L. 622-22 :
Les instances en cours sont interrompues jusqu’à déclaration de créance par le créancier. Une fois cette formalité accomplie, les instances reprennent automatiquement mais se limitent à la constatation et à la fixation des créances, sans possibilité de condamnation au paiement.
2. Une erreur de la cour d’appel dans l’application des textes
- Erreur n°1 : Condamnation au paiement des travaux de désamiantage et dommages-intérêts
La SCI bailleresse, placée en redressement judiciaire le 18 janvier 2021, a été condamnée par la cour d’appel à payer :- 94 400 € au titre des travaux de désamiantage.20 000 € à titre de dommages et intérêts.
- Erreur relevée :
Ces créances étant antérieures au jugement d’ouverture, la cour devait se limiter à fixer leur montant sans prononcer de condamnation au paiement. En statuant autrement, elle a violé les articles L. 622-21 et L. 622-22 du Code de commerce.
- Erreur n°2 : Restitution des loyers acquittés sans contrepartie
- La cour d’appel a également :
- Condamné la SCI à verser 324 500 € pour des loyers payés sans contrepartie par la société locataire.Autorisé la locataire à prélever cette somme auprès du séquestre désigné en référé.
- Erreur relevée :
- Ces créances, nées avant le jugement d’ouverture, ne pouvaient donner lieu à une condamnation au paiement.
- La levée du séquestre en faveur de la locataire a contourné le cadre légal en permettant une restitution intégrale des loyers, en violation des articles précités.
3. Rappel des principes issus des articles L. 622-21 et L. 622-22
- Interdiction des condamnations au paiement pour les créances antérieures :
Les créanciers ne peuvent obtenir qu’une fixation de leurs créances, sans possibilité de condamner le débiteur à les régler. - Reprise limitée des instances :
Une fois les créances déclarées, les procédures se limitent à constater et évaluer les dettes, sans empiéter sur l’interdiction de paiement immédiat. - Protection des débiteurs en procédure collective :
Ces dispositions garantissent un traitement équitable des créanciers tout en évitant de désavantager un débiteur en redressement judiciaire.
Cour de cassation, Chambre commerciale financière et économique, 23 Octobre 2024 n° 23-11.772