La destruction totale des locaux donnés à bail commercial correspond à l’impossibilité absolue et définitive d’utiliser les lieux loués conformément à leur destination. Cependant, cela ne s’applique pas aux locaux nécessitant un désamiantage et inaccessibles temporairement, comme dans le cas où le locataire doit évacuer pendant 4 mois. Un preneur qui a résilié à tort doit régler l’intégralité des loyers jusqu’à la vente de l’immeuble.
1. Sur la notion de destruction totale de la chose louée
Pour mémoire, l’article 1722 du Code civil dispose que : « Si, pendant la durée du bail, la chose louée est détruite en totalité par cas fortuit, le bail est résilié de plein droit ; si elle n’est détruite qu’en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander une diminution du prix ou la résiliation du bail. Dans l’un et l’autre cas, il n’y a lieu à aucun dédommagement. »**
La destruction totale de la chose louée se traduit par l’impossibilité absolue et définitive d’en faire usage ou par la nécessité de travaux dont le coût excède la valeur de la chose louée (Civ. 3e, 8 mars 2018, n° 17-11.439 ; Cass. civ. 3, 2 juillet 2003, n° 02-14.642 ; Cass. civ. 3, 9 décembre 2009, n° 08-17.483).
Pour obtenir la résiliation du bail commercial, il faut prouver que les locaux ont été détruits par un cas fortuit tel que la vétusté (Cass. civ. 3, 7 juin 2000, n° 98-20.379), sauf si une faute ou un défaut d’entretien est imputable au bailleur (Cass. civ. 3, 3 octobre 1978, n° 77-11.120), ce que le preneur doit prouver (Cass. civ. 3, 3 avril 2001, n° 99-17.939).
Par ailleurs, la destruction de la chose louée peut entraîner la perte du droit à indemnité d’éviction (Cass. civ. 3, 29 juin 2011, n° 10-19.975).
2. Sur l’absence de destruction totale et ses conséquences
Dans cette affaire, la société locataire a résilié le bail commercial au 31 mai 2019, invoquant l’incendie d’un bâtiment voisin ayant entraîné la libération d’amiante à l’extérieur des locaux et sur la toiture.
La Cour d’appel a jugé que la société locataire ne pouvait pas se prévaloir de l’article 1722 du Code civil, car les locaux n’étaient pas impropres à leur destination. La notion de destruction totale implique une impossibilité absolue et définitive, ce qui n’était pas le cas ici.
L’impossibilité d’accès n’a duré que 4 mois, et les travaux de dépollution se sont achevés en une semaine. Le coût des travaux de désamiantage, d’environ 50 000 euros, est bien inférieur à la valeur du bâtiment, qui a été vendu 430 000 euros en mai 2020.
Ainsi, après les travaux, la société Asdia aurait pu réintégrer les locaux. Il n’y a donc aucune faute ou inexécution contractuelle imputable au bailleur.
La résiliation anticipée du bail est donc jugée fautive, et le locataire doit payer les loyers dus jusqu’à la vente de l’immeuble survenue le 12 mai 2020.
De plus, la demande d’indemnisation du locataire est rejetée. Le fait que le bailleur ait demandé au locataire d’évacuer temporairement en raison de la présence d’amiante résulte d’une cause étrangère qui ne peut être imputée au bailleur. Aucune faute contractuelle ne peut donc lui être reprochée, d’autant plus qu’il a fait preuve de diligence dans la gestion de la situation.
Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 19 Septembre 2024 n° 22/14224