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Publié le 10 Juin 2009

Bail commercial renouvelé et responsabilité du mandataire

Cet article est destiné aux professionnels de l’immobilier : administrateurs de biens, cabinet de gestion, négociateur et tout professionnel impliqué dans le renouvellement d’un bail commercial. La Cour de Cassation s’est prononcée sur la responsabilité du mandataire en cas de faute commise lors du renouvellement d’un bail commercial.

Le bail renouvelé étant un nouveau bail, lorsque la faute du mandataire, qui a omis d’invoquer un motif de déplafonnement, a été commise et indemnisée à l’occasion du précédent contrat, le préjudice en résultant pendant la durée de ce nouveau bail ne saurait déboucher sur une indemnisation du bailleur.

Lorsque la nature juridique du bail renouvelé rejaillit sur l’étendue de la responsabilité de l’intermédiaire, professionnel de la gestion immobilière…

Faute d’avoir invoqué la modification notable des caractéristiques des locaux au cours du bail expiré (art. L. 145-34 et R. 145-3 c. com.), un gérant d’immeubles commerciaux a, en 1992, été condamné à verser au bailleur une certaine somme, en raison de l’impossibilité de ce dernier d’obtenir le déplafonnement du loyer du bail renouvelé (pour un autre exemple de responsabilité d’un mandataire pour avoir conclu des baux pour des bureaux commerciaux moyennant des loyers très inférieurs à la valeur locative réelle, V. Paris, 5 mars 1993, Administrer mai 1994. 45).

Neuf années plus tard (en 2001), soit lors du nouveau renouvellement du bail, le bailleur entendait obtenir de l’assureur du gestionnaire le dédommagement de son préjudice pour le manque à gagner portant sur cette nouvelle période.

De fait, en application de l’article L. 145-34 du code de commerce, le motif de déplafonnement se rapportant au bail expiré qui n’a pas été invoqué en son temps ne peut plus l’être ultérieurement, puisque la modification notable ne peut concerner que le cours du bail à renouveler jusqu’à la date d’effet du nouveau contrat (Civ. 3e, 14 oct. 1992, Bull. civ. III, n° 269 ; D. 1992. IR. 251 ; Gaz. Pal. 1993. 1. 134, note Brault ; 8 janv. 1997, Bull. civ. III, n° 6 ; Dalloz Affaires 1997. 178). Et il ne peut être dérogé à cette règle que sur le fondement de l’article R. 145-8 du code de commerce en matière d’accession des travaux en fin de bail (le déplafonnement n’intervenant alors qu’à l’occasion du second renouvellement).

Sa prétention est toutefois rejetée, au motif que le bail renouvelé est juridiquement un nouveau bail, rendant ainsi indirect le lien entre la faute commise et le préjudice ressenti.

Cette solution a pour elle la lettre des articles L. 145-9 et L. 145-12 du code de commerce (le premier affirmant que le bail « cesse »par l’effet d’un congé et, le second, qualifiant le contrat renouvelé de »nouveau »).

Juridiquement, cette décision était prévisible.

On rappellera, en effet, que les magistrats ont jugé que le bail commercial renouvelé après délivrance d’un congé est un nouveau bail et qu’ils en ont, notamment, déduit :

• que le nouveau bail ne constitue pas un contrat en cours dont l’administrateur du redressement judiciaire du preneur peut exiger l’exécution (rendu au visa de l’anc. art. 37 de la loi du 25 janv. 1985, auj. codifié à l’art. L. 622-13 c. com. : Ass. plén., 7 mai 2004, Bull. AP, n° 9 ; BICC 15 juill. 2004, rapp. Gillet et avis de Gouttes ; D. 2004. AJ. 1451, avis de Gouttes et obs. Lienhard ; ibid. 2004. Somm. 2142, obs. Le Corre ; AJDI 2004. 553, note Le Corre ; ibid. 2004. 689, note Dumont) ;

• que la caution qui s’est engagée à garantir l’exécution du contrat originaire ne saurait être tenue dans le cadre du bail renouvelé (Civ. 3e, 4 nov. 1980, Bull. civ. III, n° 167 ; RDI 1981. 422, obs. Derruppé ; Defrénois 1981. 1641, obs. Aubert) ;

• que la clause de garantie en cas de cession n’engage pas le cédant au-delà du terme du contrat (Civ. 3e, 14 juin 2006, Administrer déc. 2006. 66, obs. Lipman-W. Boccara ; Paris, 6 oct. 1999, RDI 2000. 99, obs. Derruppé ; 19 janv. 2007, AJDI 2007. 387) ;

• que, en présence d’une clause d’accession prévoyant que les améliorations faites par le locataire resteraient « à la propriété à l’expiration du présent bail », lors du second renouvellement, les modifications intervenues doivent être prises en considération pour la fixation du prix du loyer (Civ. 3e, 26 nov. 1985, Bull. civ. III, n° 154 ; 30 mai 1990, Bull. civ. III, n° 131 ; D. 1990. IR. 166 ; Gaz. Pal. 1991. 1. 307, note Barbier) ;

• qu’il en va de même en l’absence d’un telle clause, sur le fondement de l’article 555 du code civil (Civ. 3e, 27 sept. 2006, Bull. civ. III, n° 183 ; D. 2006. AJ. 2530, obs. Rouquet ; ibid. 2007. 1188, note Tellier ; AJDI 2007. 34, note Blatter) ;

• que le prix du bail renouvelé doit être fixé à la valeur locative, inférieure en l’espèce au loyer expiré (Civ. 3e, 29 oct. 1986, Bull. civ. III, n° 140 ; Gaz. Pal. 1987. 1. 218, note Brault ; 9 déc. 1986, Bull. civ. III, n° 172 ; 11 déc. 2007, AJDI 2008. 290) ;

• que lors de chaque renouvellement, il appartient aux parties d’exprimer expressément leur volonté de contracter pour une durée de douze ans, faute de quoi, le bail est renouvelé pour la durée légale de neuf années (Civ. 3e, 2 oct. 2002, Bull. civ. III, n° 194 ; D. 2002. AJ. 3014, obs. Rouquet ; AJDI 2003. 28, obs. Blatter).

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