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Publié le 14 Jan 2024

Bail commercial : Requalification de la convention d’occupation précaire

Selon la Cour d’appel de Paris, à compter de la cessation de la situation de précarité d’une convention d’occupation précaire, chaque partie dispose d’un délai de deux ans pour formuler une demande en requalification en bail commercial.

L’article L 145-60 du Code de Commerce dispose que toutes les actions exercées en vertu du chapitre de ce code relatif au bail commercial se prescrivent par deux ans.

Avant l’entrée en vigueur, le 20 juin 2014, des nouvelles dispositions de l »article L 145-5-1 du Code de Commerce, il était déjà admis d’écarter l’application du statut des baux commerciaux lors de la mise à disposition d’un local commercial par la conclusion d’une convention d’occupation précaire, à la condition que la précarité soit justifiée par des circonstances particulières indépendantes de la seule volonté des parties expressément mentionnées dans la convention.

En l’espèce, l’acte intitulé ‘ convention d’occupation précaire’ du 25 avril 2008 expose notamment dans un premier article :

« A-les circonstances justifiant la signature d’une convention d’occupation précaire », qu’un projet de création d’un ensemble commercial au centre ville doit être confié à la société Multivest France 6 et précise « Afin de pouvoir garantir le maintien d’une exploitation commerciale dans le centre de GrignyII jusqu’à l’ouverture du centre commercial du ‘coeur de ville’, a souhaité conclure une convention d’occupation précaire avec la société MULTI VEST 15. Cette précarité est justifiée par l’absence de perspective quant à la poursuite de l’exploitation de cette surface de vente après l’ouverture du centre commercial ‘coeur de ville’. Celle-ci pourra en effet être réduite de manière significative lors de l’ouverture du nouveau centre commercial« .

Il s’en déduit et n’est pas contesté que l’acte du 25 avril 2008 est une convention d’occupation précaire, la dérogation au statut d’ordre public des baux commerciaux étant justifiée par le motif de précarité lié aux modifications à venir dans la situation des parties devant résulter de l’édification d’un nouveau centre commercial au centre ville de la commune.

La commune de [Localité 5] soutient que le motif de précarité prévu dans la convention a disparu lorsque les permis de construire consentis pour le projet ‘coeur de ville’ sont devenus caducs faute pour la société MULTI VEST FRANCE 6 d’avoir entrepris les travaux dans le délai de validité de ces permis, puisqu’il s’en déduisait l’abandon du projet de création du nouveau centre commercial par cette société.

Les parties n’ont pas établi d’acte précisant la nature de leurs relations contractuelles depuis la caducité du permis de construire.

Il résulte du maintien dans les lieux de la locataire et de la poursuite du paiement des loyers réclamés par la commune de [Localité 5], qu’elles n’ont pas entendu mettre fin à leurs relations contractuelles mais qu’elles ont entendu poursuivre ces relations malgré l’abandon du projet de construction.

Toutefois, aucun élément ne permet de démontrer qu’elles ont expressément entendu soumettre leurs relations contractuelles au statut des baux commerciaux en raison de la disparition du motif de précarité, disparition d’ailleurs contestée par la société Distribution Casino.

Or, excepté le cas du bail dérogatoire relevant de l’article L145-5 précité, l’action visant à revendiquer le statut des baux commerciaux après l’expiration d’un bail d’une autre nature, est soumise au délai de prescription biennale prévu à l’article L145-60, le point de départ étant la date d’expiration de la précédente convention, et ce, nonobstant la circonstance que cette requalification puisse s’effectuer dans le cadre d’une novation des relations contractuelles, une telle circonstance n’ayant pas pour effet de substituer le délai de prescription quinquennale à celui de la prescription biennale s’appliquant à l’action en revendication du statut des baux commerciaux.

Dès lors que selon la commune de [Localité 5], la caducité du dernier permis de construire relatif au nouveau centre commercial du centre ville, le 8 juillet 2013, a eu pour effet de faire disparaître le motif de précarité et de faire cesser la convention d’occupation précaire pour y substituer un contrat de bail commercial, c’est à compter de cette date que le délai de prescription biennale s’applique à son action en qualification de ce nouveau contrat.

Ce délai a expiré le 8 juillet 2015. L’action visant à faire juger que la convention liant les parties relève du statut des baux commerciaux, de même que la demande visant à à en déduire que le congé délivré est irrégulier comme ne respectant pas ce statut, initiée par assignation délivrée le 5 octobre 2016, est donc irrecevable comme prescrite. Il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu’il a déclaré cette action prescrite.

Cour d’appel, Paris, Pôle 5, chambre 3, 21 Juin 2023 n°20/05096

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