Un bail conclu postérieurement à l’entrée en vigueur de la loi du 23 décembre 1986 ne peut être soumis à la loi de 1948 même si l’appartement sur lequel il porte constitue, associé à un autre appartement objet d’un bail distinct et soumis à cette loi, l’habitation du preneur.
L’article 25 de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 impose l’éviction du statut de 1948 pour tous les locaux vacants à compter de son entrée en vigueur. Mais on sait aussi qu’après avoir rappelé le caractère d’ordre public et la portée étendue de cette disposition, la Cour de cassation avait semblé accorder un sursis à la loi du 1er septembre 1948 en jugeant que l’adjonction de locaux vacants au bail en cours, bien que postérieure au 23 décembre 1986, n’entraînait pas exclusion partielle du statut, mais application de celui-ci à la totalité du contrat (Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 17 octobre 2007 n°06-17472). La présente décision pourrait paraître s’écarter de cette logique.
En l’espèce, un bail soumis à la loi de 1948 avait été suivi, en 1987 et entre les mêmes parties, d’un second bail portant sur un appartement voisin du premier, la réunion des locaux constituant, à partir de cette date, l’habitation du preneur. Un congé avec maintien dans les lieux portant sur le premier appartement avait été suivi, quelques années plus tard, d’un congé pour reprise personnelle (L. 6 juill. 1989, art. 15) portant sur le second local. Les preneurs s’étant maintenus dans ce dernier au-delà de l’expiration du bail, la bailleresse les a assignés en expulsion.
Les juges du fond ont rejeté la demande au motif que les deux locaux constituant l’habitation des preneurs au sens des articles 4 et 10 de la loi du 1er septembre 1948, le congé délivré pour le second appartement se heurtait au droit au maintien dans les lieux dont ceux-ci disposaient en vertu du bail portant sur le premier. Il s’agissait donc, en s’inspirant de la solution de 2007, de se fonder sur l’intimité des liens existant entre les deux locaux pour soumettre la totalité de l’habitation qu’ils constituaient au statut de 1948.
Cette argumentation est censurée au visa des articles 4 de la loi du 1er septembre 1948 et 25 de la loi du 23 décembre 1986. Les juges du fond, qui avaient relevé que le bail portant sur le plus petit appartement, distinct du plus grand, avait été conclu le 1er octobre 1987 au visa de l’article 25 de la loi du 23 décembre 1986, et que la validité du congé délivré pour ce logement ne pouvait s’apprécier au regard des dispositions de la loi du 1er septembre 1948 qui ne lui étaient pas applicables, ne pouvaient en conclure que l’ensemble faisait l’objet du droit au maintien dans les lieux issu du statut de 1948.
Attention à ne pas prendre de raccourci, l’espèce de cette décision présente la particularité de l’existence de deux contrats distincts alors que dans la décision de 2007 il s’agissait d’un bail de 1948 et d’un bail verbal et qu’un seul loyer était payé pour les deux.
Il semble plus que le cas d’espèce ne rentre pas dans le cadre des conditions posé par l’arrêt de 2007 qu’une jurisprudence applicable à toutes situations proches.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 10 mars 2010, n° 09-13589