La demande en résiliation d’un bail d’habitation, lorsqu’elle est motivée, notamment, par l’existence d’une dette locative, doit, à peine d’irrecevabilité, avoir été notifiée au représentant de l’Etat dans le département, et ce dans le respect du délai de deux mois imparti à l’article 24 de la loi du 6 juillet 1989
Cour de Cassation 3ème Chambre Civile 16 avril 2008 N° 07-12.264
L’article 24 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa rédaction issue de l’article 114 de la loi du 29 juillet 1998 d’orientation relative à la lutte contre les exclusions, prévoyait qu’à peine d’irrecevabilité de la demande, l’assignation aux fins de constat de la résiliation devait être notifiée au représentant de l’Etat au moins deux mois avant l’audience, afin de permettre à ce dernier de saisir les organismes sociaux compétents
Aux termes de l’article 188 de la loi du 13 décembre 2000 relative à la solidarité et au renouvellement urbains, qui a complété l’article 24 susvisé d’un nouvel alinéa, cette exigence de notification a été étendue, sous la même sanction, aux assignations tendant au prononcé de la résiliation du bail, lorsqu’elle était motivée par l’existence d’une dette locative.
La question soulevée dans l’affaire ayant donné lieu à l’arrêt commenté était double : la demande en résiliation fondée à la fois sur un défaut de paiement de loyers et un manquement à l’obligation de jouissance paisible était-elle recevable en dépit de l’absence de notification de l’assignation au préfet ? L’omission de notification pouvait-elle faire l’objet d’une réparation en cours d’instance ?
En donnant à cette double question une réponse négative, la troisième chambre civile a pris en compte à la fois la lettre et l’esprit du texte.
Le législateur, soucieux d’accorder aux locataires assignés aux fins de prononcé de la résiliation de leur bail le même accès aux services sociaux qu’aux locataires assignés aux fins de constat de cette résiliation, a fait, dans les deux cas, obligation aux bailleurs de notifier leur assignation au préfet.
La loi du 18 janvier 2005, en son article 100, a encore renforcé ce dispositif protecteur des preneurs en difficulté sur lesquels pèse une menace d’expulsion, en ajoutant que cette obligation de notification incombait également au bailleur qui formait une demande reconventionnelle aux fins de constat ou de prononcé de la résiliation motivée par l’existence d’une dette locative, satisfaisant ainsi la demande de modification législative formulée par la Cour de cassation dans son Rapport annuel de 2002.
Dans aucune des rédactions du texte, il n’a été précisé que l’exigence de notification disparaissait si la demande en résiliation, quelle que fût sa forme procédurale, n’était pas exclusivement motivée par l’existence d’une dette locative, de sorte que la troisième chambre civile n’était pas tenue de distinguer là où le législateur ne l’avait pas fait.
Ce faisant, elle a également pris en compte le fait qu’il aurait pu devenir tentant pour le bailleur d’ajouter, à un grief de non-paiement de loyers, un autre grief, pour s’affranchir, sans risque, de l’exigence de notification, privant par là le texte – que sous-tendaient les préoccupations d’ordre social de faciliter l’apurement de la dette locative et de rechercher, en cas d’échec, des solutions de relogement – de toute efficacité.
De surcroît, à supposer que le juge se fût, dans une telle hypothèse, astreint d’office à faire abstraction du défaut de paiement de loyers allégué pour n’examiner la demande en résiliation qu’au regard de l’autre grief invoqué, l’exercice, que ne requérait de lui aucune disposition légale, n’aurait guère été aisé.
En toute hypothèse, en l’espèce, la cour d’appel n’avait pas fait mystère de ce que, pour prononcer la résiliation du bail, elle s’était principalement déterminée en considération de la carence du locataire dans le paiement de ses loyers, carence qui avait, au demeurant, été le motif unique de la décision de résiliation du bail du premier juge.
Quant à la possibilité d’une régularisation en cours d’instance, outre qu’elle ne reposait sur aucun texte, elle se heurtait à la constatation qu’il n’apparaissait pas sain de faire dépendre la recevabilité d’une demande de la volonté discrétionnaire du juge d’accorder un report, qui plus est de la durée utile, et non de la seule diligence de la partie qui y avait intérêt, étant fait observer que le bailleur qui engage une action en résiliation de bail maîtrise la date de son envoi, et donc est à même de respecter le délai qui lui est imparti pour satisfaire à l’obligation de notification que le législateur a voulu préalable à l’audience.
Enfin, dans une matière qui concerne autant les professionnels de l’immobilier que les bailleurs profanes, il n’est pas dénué d’intérêt que les règles soient lisibles et les mêmes pour tous.