Une clause résolutoire de plein droit pour non-paiement des loyers ne peut pas être incluse dans un bail emphytéotique, car elle confère au preneur une précarité incompatible avec la constitution d’un droit réel.
Définition du Bail Emphytéotique
Le bail emphytéotique est défini à l’article L. 451-1 du Code rural, qui stipule :
« Le bail emphytéotique de biens immeubles confère au preneur un droit réel susceptible d’hypothèque. Ce droit peut être cédé et saisi dans les formes prescrites pour la saisie immobilière. Le bail doit être consenti pour plus de dix-huit années et ne peut dépasser quatre-vingt-dix-neuf ans. »
Pour être qualifié de bail emphytéotique, le bail doit respecter les conditions suivantes:
- être d’une une durée supérieure à 18 ans sans pouvoir dépasser 99 ans. S’il est d’une durée inférieure, il ne pourra pas être qualifié d’emphytéose (Cass. 3e civ., 29 avr. 1997, n° 95-18.451) ;
- être publié auprès du service de publicité foncière du lieu de l’immeuble (article 28, 1° du décret n° 55-22 du 4 janvier 1955), le défaut de publication étant sanctionné par l’inopposabilité aux tiers (Cass. 3e civ., 19 juill. 1995 : Bull. civ. III, n° 205) ;
- ne doit pas subordonner la cession du droit au bail à l’autorisation du bailleur (Cass. 3e civ., 3 octobre 1991, n° 90-15.889) sous peine de requalification en bail ordinaire ;
- ne pas prévoir que les améliorations à apporter au bien resteront à la charge du bailleur, à peine de ne pas pouvoir être qualifié d’emphytéotique (Cass. 3e civ., 7 octobre 1992 : Bull. civ. III, n° 264.)
- prévoir que les réparations de toute nature et de reconstruction y compris en cas d’incendie seront à la charge de l’emphytéote sauf en cas de destruction s’il rapporte la preuve que le bien a été détruit par cas fortuit ou force majeure, ou encore qu’il a péri en raison d’un vice de construction antérieur au bail.
Droits et Obligations du Preneur
L’emphytéote bénéficie des droits suivants :
- Usage libre du bien, avec possibilité de cession, hypothèque, et constitution de servitudes passives.
- Sous-location libre, sans limitation imposée par le bailleur (Cass. 3e civ., 28 nov. 1972, n° 71-11.976).
- Absence de clauses restrictives sur l’usage des lieux (Cass. 3e civ., 13 mai 1998, n° 96-13.586 et 96-14.076).
Revenus et Révision de la Redevance
En application de l’article L. 451-4 du Code rural, le bail peut prévoir une redevance en argent ou en nature qui ne peut pas être réduite. De plus, cette redevance ne peut être refixée judiciairement au cours de la vie du bail comme en matière de bail commercial (Cass. 3e civ., 8 septembre 2016, n° 15-21.381), mais pouvant être indexée sur un indice en lien direct avec l’objet du bail .
Résiliation du Bail Emphytéotique
- À défaut de paiement de deux années consécutives, le bailleur peut demander la résiliation judiciaire après une mise en demeure infructueuse (article L. 451-5 du Code rural).
- Cependant, une clause résolutoire de plein droit est réputée non-écrite, car elle est incompatible avec le caractère réel du droit conféré (Cass. 3e civ., 14 novembre 2002, n° 01-13.904).
Étude de Cas : Cour d’Appel de Bordeaux
Les faits :
Le 27 février 2008, un bail emphytéotique d’une durée de 40 ans a été signé entre les bailleurs et la SCI du 290, avec une clause résolutoire en cas de non-paiement de trois mois de loyers.
En septembre 2020, un commandement de payer a été délivré pour des arriérés de 24 425,53 euros. Les bailleurs ont ensuite assigné la SCI en requalification du bail, résiliation, et paiement des loyers échus.
La décision :
- La clause résolutoire de plein droit a été réputée non-écrite, conformément à la jurisprudence (Cass. 3e civ., 14 novembre 2002, n° 01-13.904).
- Concernant la résiliation judiciaire pour non-paiement pendant deux ans, la cour a constaté que la SCI avait réglé des loyers de manière irrégulière, mais pas pendant deux années consécutives.
Ainsi, la demande de résiliation judiciaire a été rejetée, et la décision du Tribunal judiciaire de Bordeaux sur la résiliation pour deux années d’impayés a été infirmée.
Points Clés à Retenir
La résiliation judiciaire reste encadrée par des règles strictes, notamment sur le non-paiement des loyers.
Un bail emphytéotique confère un droit réel, nécessitant un usage libre du bien par le preneur.
Les clauses résolutoires de plein droit sont incompatibles avec ce type de bail.
Cour d’appel, Bordeaux, 4e chambre commerciale, 2 Décembre 2024 n° 22/05237