Deux décisions qu’il convient détudier ensemble permettent de tirer deux enseignements : d’une part, la dette de loyer n’est pas, par elle-même, indivisible, d’autre part, est redevable de l’intégralité du loyer le copreneur resté dans les lieux en vertu d’un contrat reconnaissant au preneur la faculté de résiliation à tout moment, le bail s’étant poursuivi sur l’ensemble des locaux.
En matière locative, l’étendue de l’obligation de paiement du loyer du seul colocataire resté dans les lieux dépend tout d’abord de la solidarité qui va pouvoir exister entre les preneurs, solidarité qui, aux termes de l’article 1202 du code civil, ne se présume pas.
En effet, en l’absence de clause de solidarité, des colocataires ne peuvent être condamnés solidairement à payer un solde de loyer pour la période où seul l’un d’eux, après que l’autre eut donné son congé, est demeuré dans les lieux (Civ. 3e, 21 nov. 1990, n° 89-14.827). a contrario, en présence d’une clause de solidarité, les deux colocataires restent tenus solidairement du paiement des loyers, même en cas de départ effectif de l’un d’eux à la suite d’un congé (Civ. 3e, 8 nov. 1995, n° 93-17.110).
L’ampleur de cette obligation de paiement va également s’apprécier eu égard au caractère divisible ou non de la dette locative, l’article 1222 du code civil prévoyant que le débiteur non solidaire doit répondre de l’intégralité d’une dette indivisible contractée conjointement.
Tel est l’enseignement qu’il convient de tirer des deux espèces rapportées, qu’une lecture rapide pourrait laisser penser contradictoires.
Dans les deux affaires, l’un des deux copreneurs à bail professionnel avait quitté les lieux en cours de relation contractuelle et le bailleur entendait obtenir le paiement de l’intégralité de la dette de la part du locataire encore en place, alors même qu’aucune clause de solidarité n’était stipulée.
Plus précisément, dans la première décision (n° 12-21034), un bail professionnel avait été consenti à deux avocats et l’un d’eux avait quitté les lieux sans donner congé. Deux ans après ce départ, une fois un congé délivré et les lieux restitués, le locataire restant était poursuivi par le bailleur aux fins de paiement d’un solde de loyers échus. En appel, les juges du fond avaient donné raison au propriétaire, au motif qu’une dette de loyer est indivisible entre les locataires, puisqu’elle est la contrepartie du droit de jouissance des biens loués, droit lui-même indivisible.
Cette solution est censurée par la Cour de cassation qui, après avoir rappelé qu’en l’occurrence, le bail ne stipulait pas la solidarité des preneurs, précise que la dette de loyer n’est pas indivisible par elle-même.
Dans la seconde espèce (n° 12-21.973), le copreneur avait quitté les lieux en vertu d’un congé en bonne et due forme, le bail reconnaissant au locataire le droit de résilier le contrat à tout moment moyennant le respect d’un préavis. De cette stipulation, le juge du fond a, « à bon droit », selon les hauts magistrats, retenu qu’un seul des copreneurs pouvait valablement donner congé et que le bail se poursuivait alors avec le locataire restant sur l’ensemble des locaux avec obligation de payer l’intégralité du loyer en contrepartie de leur jouissance.
Ainsi, dans cette décision et à l’inverse de la première, l’indivisibilité de la dette était établie.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 30 octobre 2013 n°12-21034
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 30 octobre 2013 n°12-21973