Si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte ni à s’affranchir des dispositions impératives du statut des baux commerciaux. Ainsi, même de mauvaise foi, le bailleur peut s’opposer à la cession du fonds de commerce, intervenue alors qu’aucun fonds n’était exploité dans les lieux loués.
En l’espèce, à la suite de la mise en liquidation judiciaire d’une société preneuse à bail commercial, le mandataire liquidateur avait été autorisé à céder le fonds de commerce de restaurant, bar et brasserie. La société bailleresse s’y est opposée, motif pris de l’inexistence du fonds, alors que le contrat n’autorisait qu’une transaction en faveur de l’acquéreur du fonds de commerce.
Elle demandait en conséquence la résiliation du bail et l’expulsion des occupants.
Les dirigeants de la société (gérant de fait et gérant de droit) ayant été incarcérés très peu de temps après la signature du bail, les locaux étaient effectivement restés fermés jusqu’à la mise en liquidation judiciaire de la société. Par ailleurs, dès l’origine, il était patent que les locaux n’avaient été loués que pour servir de cuisine à d’autres locaux contigus dans lesquels étaient exploité un restaurant.
Cette demande est toutefois rejetée par les juges du fond (Montpellier, 8 sept. 2004), compte tenu de la mauvaise foi de la société bailleresse, dont le gérant n’était autre que le gérant de fait de la société locataire et, par conséquent, parfaitement au courant de la situation.
La haute juridiction censure cette position au visa des articles 1134, alinéas 1er et 3, du code civil et L. 145-1 du code de commerce, par un attendu de principe, déjà énoncé par leurs homologues de la chambre commerciale : « si la règle selon laquelle les conventions doivent être exécutées de bonne foi permet au juge de sanctionner l’usage déloyal d’une prérogative contractuelle, elle ne l’autorise pas à porter atteinte à la substance même des droits et obligations légalement convenus entre les parties » (Cour de Cassation, Chambre Commerciale 10 juillet 2007 Bull. civ. IV, n° 188).
En d’autres termes, « le créancier, même de mauvaise foi, reste créancier » (Rapport C. cass. 2007, p. 436).
La Cour ajoute que la censure est, au cas présent, d’autant plus justifiée, qu’il s’agissait, de la part du preneur et de ses ayants droit, d’une tentative de s’affranchir des dispositions impératives du statut des baux commerciaux, en l’occurrence, l’obligation d’exploiter le fonds de commerce dans les lieux loués.
Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 9 décembre 2009 n° 04-19923