Une circulaire du 23 novembre 2023 présente les dispositions de la loi n° 2023-668 du 27 juillet 2023 visant à protéger les logements contre l’occupation illicite. Cette loi a durci le dispositif répressif afin de renforcer la lutte contre les squats et les occupations après expulsion. On vous explique tout avec des exemples.
1) Sur l’aggravation des peines
Pour rappel, tout d’abord, concernant la répression des atteintes au domicile, les peines prévues en répression du délit de violation de domicile ont été triplées et le champ d’application de ce délit a été clarifié (article 226-4 du code pénal).
Les peines encourues passent d’un à trois ans d’emprisonnement et de 15 000 à 45 000 euros d’amende.
2) Sur la notion de domicile et celle d’usage d’habitation
La notion de domicile a été complétée à l’article 226-4 du code pénal par un alinéa qui précise désormais que :
« Constitue notamment le domicile d’une personne, au sens cet article, tout local d’habitation contenant des biens meubles lui appartenant, que cette personne y habite ou non et qu’il s’agisse de sa résidence principale ou non ».
Comme le signale l’adverbe « notamment », l’alinéa ajouté à l’article 226-4 ne constitue pas une définition exhaustive et limitative de la notion de domicile au sens ce ces dispositions, mais une simple illustration de ce que peut constituer un tel domicile.
Il en résulte qu’une condamnation pour violation de domicile pourra être prononcée alors même que le domicile en cause ne serait pas un local d’habitation contenant des biens meubles, s’il est établi que l’auteur s’est introduit à l’aide de manœuvres, de menaces, de voies de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet, dans un lieu où une personne peut se dire chez elle.
On peut à cet égard rappeler que la Cour de cassation a eu l’occasion de juger que certaines dépendances d’une habitation, comme une terrasse, qui ne répondent pas aux critères mentionnés dans l’alinéa ajouté à l’article 226-4 du code pénal, peuvent constituer des domiciles protégés par la loi pénale (Cass., Crim., 8 février 1994, n° 92-83.151).
Sur la notion d’usage d’habitation, le nouvel article 315-1 du code pénal punit de deux ans d’emprisonnement et 30 000 euros d’amende le fait de s’introduire dans un local à usage d’habitation à l’aide de manœuvres, de menaces, de voie de fait ou de contrainte, hors les cas où la loi le permet. Le maintien dans le local à la suite d’une telle introduction, hors les cas où la loi le permet, est puni des mêmes peines.
La notion de local à usage d’habitation doit être distinguée de celle de domicile mentionnée à l’article 226-4 du code pénal.
Elle recouvre l’ensemble des locaux dont la finalité est l’habitation, qu’ils constituent ou non un domicile. La notion de « local à usage d’habitation » est purement objective et
peut s’appliquer, par exemple, à un logement vacant, qui ne constitue pas un domicile.
Ce délit s’applique uniquement aux cas où la personne en cause n’est pas titulaire d’un titre de propriété, d’un contrat de bail ou d’une convention d’occupation avec le propriétaire ou avec la personne ayant des droits sur le logement, ou lorsqu’elle n’a pas obtenu leur consentement pour entrer dans les lieux.
Le champ d’application de ce nouveau délit est en partie identique à celui de la violation de domicile dès lors qu’un local à usage d’habitation peut également constituer un domicile lorsqu’une personne a le droit de se dire chez elle.
Les objets de ces deux infractions sont toutefois distincts.
L’article 226-4 du code pénal (domicile) a pour objet de punir une atteinte à la vie privée, quelle que soit la qualité de la victime, qu’il s’agisse du propriétaire occupant, du locataire ou encore du titulaire d’un droit de jouissance à titre gratuit.
L’article 315-1 du code pénal (usage d’habitation) a quant à lui pour objet de réprimer une atteinte aux biens qui constitue une occupation frauduleuse.
Ainsi, un propriétaire non occupant ne peut se prétendre victime d’une violation de domicile alors qu’il peut en revanche être victime de l’occupation frauduleuse des locaux qui lui appartiennent.
Dans le cas où la victime serait un propriétaire occupant, les principes généraux du droit pénal commandent de retenir la qualification la plus sévèrement punie, en l’occurrence la violation de domicile, plutôt que l’occupation frauduleuse.
3) Sur les notions de manœuvres, menaces, voies de fait ou contraintes
Outre la condition tenant à l’introduction dans un domicile, la caractérisation du délit suppose de rapporter la preuve que les faits ont été commis à l’aide de manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.
Les manœuvres recouvrent tout procédé astucieux ou toute ruse mis en œuvre pour favoriser l’introduction illicite.
Les menaces peuvent être caractérisées par des comportements inquiétants ou des paroles d’une personne prête à accomplir des actes de violence.
La voie de fait recouvre tout acte de violence à l’encontre des biens ou des personnes.
Constituent également une voie de fait le fait d’enlever une partie de la toiture, de défoncer au moyen d’une masse la porte d’entrée, ou de passer par une fenêtre laissée ouverte.
La violence contre les choses peut consister dans l’escalade d’un mur, d’une terrasse, d’un portail bas et en mauvais état, le forçage d’une serrure, le bris d’un carreau ou d’une vitre ou le descellement des barreaux d’une fenêtre. Ainsi, l’existence d’une introduction illicite n’a pu être retenue lorsque la porte d’un local violé n’était pas fermée à clés.
4) Quand les forces publiques peuvent elles intervenir ?
Le délit de violation de domicile est une infraction continue. Il est ainsi possible d’agir dans le cadre d’une enquête de flagrance tant que perdure l’occupation illicite, sans nécessité d’établir que ce maintien est également le fait de nouvelles manœuvres, menaces, voies de fait ou contrainte.
5) Le nouveau délit de maintien sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice
Le nouvel article 315-2 du code pénal punit de 7 500 euros d’amende le fait de se maintenir sans droit ni titre dans un local à usage d’habitation en violation d’une décision de justice définitive et exécutoire ayant donné lieu à un commandement régulier de quitter les lieux depuis plus de deux mois.
Le nouveau délit n’est pas applicable aux occupants entrés dans les lieux de façon illicite, lesquels relèvent selon les cas du champ du nouvel article 315-1 du code pénal ou du délit de violation de domicile prévu par l’article 226-4 du code pénal.
Il concerne le locataire défaillant qui refuse de quitter les lieux malgré une décision de justice ayant donné lieu à l’engagement d’une procédure d’expulsion.
La répression est toutefois exclue dans les trois cas suivants :
– Lorsque l’occupant bénéficie des dispositions de l’article L. 412-6 du code des procédures civiles d’exécution, c’est-à-dire au cours de la « trêve hivernale » qui s’étend du 1er novembre de chaque année au 31 mars de l’année suivante ;
– Lorsque le juge de l’exécution est saisi sur le fondement de l’article L. 412-3 du même code, jusqu’à la décision rejetant la demande ou jusqu’à l’expiration des délais accordés par le juge à l’occupant ;
– Lorsque le logement appartient à un bailleur social ou à une personne morale de droit public.
Circulaire n° JUSD2331904C, 23 novembre 2023 : BOMJ 27 novembre 2023