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Publié le 4 Mar 2012

Clause de non-concurrence et despécialisation partielle

Cette décision est di’mportance pour tous les preneurs et bailleurs qui dans leur baux ont inclus une clause de non-concurrence. En effet, une clause de non-concurrence ne peut avoir pour effet d’interdire au preneur de solliciter la déspécialisation partielle pour une activité connexe ou complémentaire.

On retiendra de l’arrêt rapporté que le souhait d’un preneur à bail commercial d’opérer une déspécialisation partielle de son activité ne saurait être tenu en échec par une clause de non-concurrence.

Dans cette affaire, le locataire de locaux situés dans un ensemble immobilier regroupant plusieurs activités dans le domaine de l’automobile s’était engagé à ne pas exercer l’activité de pneumatique, le bailleur, de son côté, lui garantissant l’exclusivité des activités relatives à la vente et à la pose de tous les éléments concernant l’échappement et l’amortisseur. La même clause se retrouvait dans le contrat de concession d’emplacement commercial conclu entre les mêmes parties.

Dans ce contexte, le bailleur avait refusé de donner suite à la demande de déspécialisation partielle, engagée conformément à l’article L. 145-47 du code de commerce par le preneur, désireux d’adjoindre à son activité celle de vente, pose et réparation de pneumatiques.

Pour donner raison au bailleur, le juge du fond (Chambéry, 25 janv. 2011) a fait valoir qu’il ressortait de la commune intention des parties la volonté de garantir à chaque exploitant l’exclusivité de l’activité autorisée et de lui interdire de concurrencer celle des autres. Pour la cour d’appel, le locataire ne pouvait, sans mauvaise foi ni faute de sa part, créer un déséquilibre entre les obligations et les droits des différents contractants. Et le juge savoyard de conclure que, dans ce contexte particulier, le locataire ne saurait valablement qualifier de connexe ou complémentaire à la sienne l’activité de pneumatiques.

C’est aux visas des articles L. 145-15 et L. 145-47 du code de commerce, le premier de ces textes conférant un caractère d’ordre public au droit du preneur à la déspécialisation, visée notamment par le second, que la haute cour rend une décision de censure (retenant, sur les mêmes fondements, la nullité d’une « clause d’enseigne », V. Civ. 3e, 12 juill. 2000, Bull. civ. III, n° 139).

Ainsi, une clause de non-concurrence ne pouvant avoir pour effet d’interdire au preneur de solliciter la déspécialisation partielle, prérogative d’ordre public, l’unique question à se poser était celle de savoir si, objectivement, l’activité dont l’adjonction est demandée est connexe ou complémentaire à celle prévue au bail (jugeant que le texte exige seulement que la nouvelle branche commerciale soit accessoire ou complémentaire du commerce déjà exploité, sans avoir à faire état des droits éventuels des tiers, V. déjà Civ. 3e, 13 févr. 1969, Bull. civ. III, n° 132 ; précisant qu’une exclusivité accordée par le bail à un locataire dans le même immeuble ne peut faire échec au droit à la déspécialisation partielle, V. aussi Civ .3e, 1er févr. 1978, Bull. civ. III, n° 63 ; 24 oct. 1984, Bull. civ. III, n° 174; V. aussi Cass., ass. plén., 26 janv. 1973, Bull. civ. 1973, n° 2).

Il incombera par conséquent à la cour de Grenoble, juridiction devant laquelle l’affaire est renvoyée, de se positionner sur le caractère connexe ou complémentaire de l’activité querellée.

Quant à l’activité dans le centre commercial, elle risque, à l’avenir, d’être… débridée, les autres preneurs pouvant s’estimer déliés de leur obligation de non-concurrence (rappr., jugeant que lorsque la clause de non-concurrence qui existait dans les baux initiaux a disparu par la suite, il y a lieu de prononcer la résolution de cette clause insérée dans le bail liant le preneur au bailleur, Civ. 3e, 3 mai 2007, Bull. civ. III, n° 67 ; D. 2007. AJ 1335, obs. Rouquet ; ibid. 2007. 2068, note Rochfeld ; ibid. 2008. Pan. 247, obs. Gomy ; ibid. 2008. Pan. 1645, spéc. 1648, obs. Rozès ).

En résumé, la principe de despécialisation partielle est un principe d’ordre public, ainsi, à partir du moment ou l’activité que le preneur souhaite ajouter est connexe ou complémentaire à l’activité principale le bailleur ne peut s’y opposer. Mais quid des autres preneurs, n’ont-ils pas un recours contre le bailleur qui leur assurait l’absence de concurrence ?

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 15 février 2012 n° 11-17.213

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