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Publié le 9 Fév 2009

Clause résolutoire et fraudes aux droits des créanciers

La sanction de la fraude ne peut porter que sur un droit existant à la date à laquelle l’acte frauduleux a été commis.

À la suite d’un arriéré de loyers, un preneur est assigné – après expiration du délai d’un mois porté au commandement – en constatation de l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans son bail. Cette assignation est notifiée au créancier nanti sur le fonds, qui intervient à l’instance.

Des délais de paiement, subordonnés au respect d’un échéancier, sont accordés alors par le juge. Intervient par la suite une nouvelle défection du locataire, qui ne règle pas la première échéance. Souhaitant préserver son gage, le créancier nanti procède, en plusieurs règlements, au paiement intégral des sommes dues. Ceci n’empêche pas le bailleur de poursuivre, tout en acceptant ces paiements, l’expulsion du locataire à raison du non-respect de l’échéancier.

Les juges du fond sanctionnent la démarche du bailleur, jugeant la manœuvre du bailleur frauduleuse. En toute hypothèse, celui-ci ne pouvait à la fois accepter des mains du créancier nanti le complet règlement des sommes dues par le preneur – règlement qui avait pour seule cause l’existence du bail et pour seule finalité sa pérennité indispensable à la conservation du gage – et poursuivre concomitamment une procédure d’expulsion.

Pour les magistrats, ce double jeu caractérisait une fraude aux droits du créancier, fraude qui ne portait pas sur la réception des paiements effectués, mais sur le défaut de renonciation à la clause résolutoire. Le jeu de cette clause devait donc être écarté par application de l’adage fraus omnia corrumpit, et le preneur maintenu dans les lieux.

La Cour de cassation censure ce raisonnement aux visas conjoints de l’article 1134 du code civil et du principe précité : la sanction de la fraude ne peut porter que sur un droit existant à la date à laquelle l’acte frauduleux a été commis. Ici, la fraude avait été commise à l’occasion des paiements effectués par le créancier nanti postérieurement à la défection du locataire.

Or, à cette date, le bail, du fait de l’inexécution de l’échéancier, n’existait plus (V. la jurisprudence citée supra), la privation d’un droit né de celui-ci ne pouvait donc sanctionner la fraude du bailleur.

Cour de Cassation, 3ème Chambre Civile, 21 janvier 2009 n°07-19916

EXPLICATIONS JURSIPRUDENTIELLES:

Interprétant l’article L. 143-2 du code de commerce, une jurisprudence constante décide que la poursuite par le bailleur de la résiliation du bail en application d’une clause résolutoire doit être notifiée aux créanciers inscrits sur le fonds (Com. 6 nov. 1961, Bull. civ. III, n° 393 ; Gaz. Pal. 1962. 1. 132 ; Rev. loyers 1962. 143 ; 27 juin 1990, Bull. civ. III, n° 157 ; D. 1990. IR. 200 ; V. aussi M.-P. Dumont-Lefrand, AJDI 2007. 450).

Prescrite à peine d’inopposabilité, cette notification ouvre un délai d’un mois pendant lequel les créanciers nantis peuvent, afin de sauvegarder leur gage, se substituer au locataire défaillant dans l’exécution de ses obligations.

Parallèlement, le preneur assigné aux fins de constatation judiciaire de l’acquisition de la clause résolutoire peut solliciter l’octroi de délais de paiement fondés sur l’article 1244-1 du code civil (art. L. 145-41, al. 2, c. com.). Cette possibilité lui est ouverte tant que la résiliation n’est pas constatée par une décision passée en force de chose jugée .

Pour autant, ces délais de paiement, lorsqu’ils sont accordés, représentent une dernière chance : gare au débiteur qui ne les respecte pas ! Manifestant une certaine sévérité, la jurisprudence décide en particulier que, lorsque le juge impose un échéancier, la résiliation est acquise dès lors qu’une seule des échéances n’est pas respectée (Com. 12 mai 1992, RJDA 1992, n° 810 ; Civ. 3e, 16 janv. 2002, AJDI 2002. 208, obs. Dumont ; 10 juill. 2007, Rev. loyers 2007. 400 ; 14 mai 2008, Administrer oct. 2008. 48, note Barbier ; Loyers et copr. 2008, n° 222, obs. Brault), sans que le paiement postérieur et intégral de la somme due puisse faire obstacle à cette résiliation (Civ. 3e, 26 oct. 1977, Bull. civ. III, n° 359 ; Ann. loyers 1978. 646).

Dans ce cas, la clause résolutoire, automatiquement suspendue par le moratoire, reprend rétroactivement plein effet à l’expiration du délai fixé par le commandement initial (Civ. 3e, 16 janv. 2002, préc. ; et non à la date de la nouvelle défaillance, Civ. 3e, 11 mai 1995, Bull. civ. III, n° 117).

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